AFFAIRE JACQUELINE
SAUVAGE
L' affaire Jacqueline Sauvage est une
affaire judiciaire française survenue en 2012 , à la suite du meurtre de
Norbert Marot, abattu de trois coups de fusil dans le dos par son épouse
Jacqueline Sauvage le 10 septembre
2012 . Durant le procès, la défense repose
sur l'affirmation de violences et abus sexuels subis par l'accusée et ses
filles durant plusieurs décennies. La condamnation de Jacqueline Sauvage, en
première instance puis en appel, à une peine de dix ans d'emprisonnement,
suscite des réactions d'incompréhension, dont la médiatisation provoque des
débats sur l'application de la légitime défense préméditée dans le cas de
violences conjugales .
Le 31 janvier 2016, François Hollande
accorde une grâce présidentielle partielle à Jacqueline Sauvage, mais la
justice refuse sa demande de libération conditionnelle. Le 28 décembre 2016,
François Hollande lui accorde une grâce présidentielle totale .
Description générale
Le 10 septembre 2012 , dans un pavillon de
La Selle-sur-le-Bied , dans le Montargoi ( Loiret ), Jacqueline Sauvage, âgée
de 63 ans, charg] un fusil de chasse et tire dans le dos de son mari Norbert
Marot, le tuant de trois coups de feu .
Pour expliquer son geste, Jacqueline Sauvage affirme avoir eu peur pour sa vie
et celle de ses enfants en raison de menaces qui auraient été proférées par son
mari le matin et dont elle a cru qu'il allait les mettre à exécution . Le meurtre s'inscrit, selon elle et son
avocate, dans un contexte de 47 années de violences conjugales , dont certaines le jour même . Si l’expertise atteste d’un coup à la lèvre,
aucune autre trace de violence n’a été relevée concernant ce dernier jour .
Les trois filles du couple témoignent dans
le sens de violences que leur père aurait commises sur leur mère et avancent
que leur père a jadis abusé d'elles .
D'autre part, le mari aurait été connu par ses voisins et par les habitants du
village comme ayant un caractère violent et injurieux.
L'avant-veille du meurtre, le 8 septembre
2012 , Pascal, le fils, s'est suicidé par pendaison . Le jour du meurtre, Jacqueline Sauvage ne
savait pas que son fils s'était donné la mort. Elle a appris son décès lors de
sa garde à vue et alors qu'elle était
hospitalisée postérieurement au meurtre . La raison du suicide du fils est
controversée : les débats d'audience auraient fait ressortir, selon certains,
qu’il serait dû aux violences que lui aurait infligées le père ; selon d’autres, qu’il serait une tentative
d’échapper à l'emprise de la mère . À ce
jour, il semble qu’aucun fait ne départage les différents témoignages.
Plusieurs attestent que le père et le fils étaient en conflit : Sylvie Marot
déclare le second jour du procès « Une fois à Noël, mon père et mon frère en
sont venus aux mains. Quand ils en sont arrivés à se disputer, on a tous pris
nos enfants et on est partis. Je suis retournée chez mes parents. Maman avait
des cocards partout . » Un ancien
chauffeur témoigne :
« Madame Marot est une personne gentille,
aimable. M. Marot était un peu plus rustre. […] C'était un peu tendu entre le
père et le fils. Ça arrivait souvent qu'ils s'accrochent . » Une des anciennes compagnes du fils,
qu'elle a quitté parce qu'il était devenu violent à son tour, raconte : «
Pascal mettait son père sur un piédestal. Les choses finissaient souvent en
violence. Une fois papy (Norbert) est arrivé et m'a frappée. Mamie et Pascal
s'en sont mêlés. Ça finissait toujours en bagarre. Pascal quand il se battait
avec son père, c'est quand il avait frappé sa mère ou moi. Sinon, les violences
sur Pascal étaient plus morales que physiques. […] Norbert faisait tout pour
détruire Pascal
. »
Le 28 octobre 2014, Jacqueline Sauvage,
qu'une partie des médias et de l'opinion publique considère comme une victime , est condamnée à 10 ans de prison , la
légitime défense n'ayant pas été retenue . Elle fait
appel de la décision de la cour d'assises ,
et son procès en appel s'ouvre à Blois le 1 er décembre 2015. Sa peine est confirmée
puisqu'elle est condamnée, le 3 décembre 2015, à 10 ans de prison ferme par la
majorité des jurés après cinq heures de délibéré . Des pétitions sont alors mises en ligne et
une demande de grâce présidentielle est adressée à François Hollande . Le Président de la République accepte de lui
accorder une grâce partielle le 31 janvier 2016, ce qui permet à la condamnée
de déposer une requête de
libération conditionnelle avant le délai
légal de la moitié de la peine. Cependant, le 11 août 2016, les magistrats du
tribunal d'application des peines de Melun rejettent sa demande de libération
conditionnelle. Cette décision va à l'encontre des réquisitions du parquet de
Melun, favorable à sa libération . La cour d’appel de Paris ayant confirmé
cette décision judiciaire, François Hollande choisit alors de lui accorder, le
28 décembre 2016, une grâce présidentielle totale.
Déroulement du jour du meurtre
Le 10 septembre 2012 , au matin, Jacqueline
et Norbert se disputent au sujet de l'entreprise . À 13 h 30, elle serait partie se coucher . Elle affirme avoir été brutalement réveillée
à 16 heures par son mari pour qu'elle lui prépare à manger . Il aurait ensuite exercé sur elle des
violences physiques : il l'aurait menacée puis frappée, et aurait arraché sa
chaîne . Toutefois si l’expertise
médicale atteste d’un coup à la lèvre , elle ne signale aucune autre trace de
violence significative sur le reste du
corps .
Jacqueline déclare aussi avoir pris des
médicaments pour faire une sieste de cinq heures , mais l'expertise n'a pas relevé de traces de
médicament dans son organisme .
Sur les circonstances entourant le
chargement du fusil , l'intéressée
explique, pendant sa garde à vue, être descendue chercher des cartouches . À la barre, elle assure avoir vidé ses
poches lors d'une précédente partie de chasse . Elle affirme avoir tiré les coups de feu à
16 heures, mais ceux-ci n'auraient été entendus que vers 19 h 20 . Par ailleurs, une voisine témoigne avoir vu
Monsieur Marot le jour même, dans l'après-midi, vers
17 h 30 .
Jacqueline prétend avoir fermé les yeux
lorsqu'elle a tiré les coups de fusil qui ont atteint son mari dans le dos,
alors qu'il était assis sur leur terrasse . Ce comportement a paru surprenant
de la part d'une personne ayant la pratique de la chasse.
Procès
Personnalité de Jacqueline Sauvage
Jacqueline affirme avoir été sous l'emprise
d'un mari violent, et qu'elle n'a pas, pour ce motif, pu porter plainte contre
lui. Les témoignages des voisins font état d'un climat de tension dans le
quartier créé par Norbert Marot, homme colérique, prompt aux insultes et à la
violence , et qui avait peur de la
justice .
Lors de son premier procès en date du 28
octobre 2014, la conclusion du rapport d'expertise psychiatrique établit que
Jacqueline
« déclare ne pas comprendre pourquoi elle
serait condamnée alors que son mari tyrannisait la famille depuis plus de 20
ans » 

, . Ce rapport démontre notamment qu'elle
était profondément choquée et traumatisée par la violence qu'exerçait son mari
depuis tout ce temps. [réf. nécessaire]
Le rapport ajoute que Jacqueline Sauvage ne
paraît pas être dangereuse sur le plan psychiatrique . Elle ne souffre d'aucune pathologie active
ou significative .
Lors du second procès de Jacqueline, le
rapport psychiatrique indique qu'« il n'y a pas de remise en question de son
acte, car elle se sentait toujours victime d'un homme dont elle n'a pas réussi
à se libérer » . Il indique également
que sa personnalité « s'est construite autour d'une facilité relationnelle et
affective qui s'est traduite par une difficulté d'autonomie affective. Intelligence
normale. ».
Néanmoins Jacqueline a reconnu être allée,
en 1992, au domicile de Laurence Cocusse, sa rivale à l'époque, pour lui faire
peur avec une arme et l'avoir poursuivie jusqu'à la gendarmerie .
Premier procès de 2014
Catherine Paffenhoff préside et ouvre l'audience le 24 octobre. Après
tirage au sort, le jury populaire se compose de trois hommes et trois femmes,
avec deux jurées suppléantes. Jacqueline Sauvage est accusée de meurtre avec
préméditation. Elle comparait libre après
avoir passé 2 ans et 1 mois en
détention provisoir .
Absence de dénonciation des violences
conjugales
Jacqueline Sauvage et ses filles affirment
avoir été sous l'emprise d'un mari et d'un père violent, et qu'elles n'ont pas,
pour ce motif, pu porter plainte contre lui.
Le 27 octobre 2014, un ancien employé du
couple décrit Jacqueline Sauvage comme étant une femme soumise qui faisait profil bas lorsque son mari commençait
à élever la voix .
Sylvie Marot explique qu'elle craignait le
comportement de son père et des représailles si elle le dénonçait . Interrogée
sur l'absence de plainte déposée, sa sœur Carole Marot fait état des mêmes
peurs de représailles. Enfin, la troisième sœur Fabienne Marot explique
également que si elle avait porté plainte, son père aurait été placé en garde à
vue, puis serait revenu dans le foyer conjugal où sa mère aurait subi des
représailles .
La passivité de Jacqueline Sauvage, qui ne
s'est jamais plainte des sévices qu'elle ou ses enfants ont subis, a beaucoup
intrigué la présidente de la cour d'assises .
L'avocate générale explique que l'accusée
n'était pas une femme soumise, et que son caractère lui permettait de se
rebeller. Ainsi, le 28 octobre 2014, l'avocate générale la décrit comme étant
une femme de caractère, intelligente, qui a toujours travaillé . C'est aussi une femme qui est capable de
répondre, de s'en prendre à la maîtresse de son mari, qu'elle va menacer avec
un fusil de chasse , d'insulter une
voisine, et faire preuve de violence .
Selon l'administration pénitentiaire, elle
est capable d'être méchante . Le
personnel de la prison la décrit comme autoritaire , indiquant qu'elle refusait les ordres .
Lors de la deuxième journée du premier
procès, le 27 octobre 2014, une voisine déclare que son mari avait été giflé
par Jacqueline Sauvage . Elle affirme également qu'elle la suivait et
l’invectivait .
À de multiples reprises lors de l'audience,
Jacqueline et ses filles expliquent leur absence de dépôt de plainte par la
peur des représailles, et l'espoir que la situation
« s'arrangerait » . Une des anciennes compagnes du fils Pascal,
qui s'est avéré violent, fait part en appel des difficultés et de l'inutilité
de porter plainte, de l'absence d'aide et de la peur qui, selon elle, justifie
l'absence de fuite de Jacqueline Sauvage .
Fréquence et gravité des violences
Lors du premier procès en 2014, les
réquisitions de l' avocate générale portent sur la fréquence réelle et la
gravité des coups subis pendant les 47 années de mariage . Elle précise qu'il y
a surtout les déclarations de Jacqueline Sauvage et de ses filles qui
confirment ces violences .
Pour expliquer qu'aucun voisin n'ait
constaté la moindre trace de coup ni vu la moindre violence physique sur
Jacqueline Sauvage pendant toutes ces années à La Selle-sur-le-Bied [réf. à confirme
, celle-ci explique que son mari la tapait sur le cuir chevelu , ou que, lorsqu'elle avait des bleus, elle ne
sortait pas pendant quinze jours. L'ancienne compagne de son fils confirme que,
dans ces cas-là, elle allait faire les courses à sa place. L'avocate générale
met en doute leurs paroles, en soulignant que Jacqueline Sauvage travaillait
dans l'entreprise et qu'elle allait faire les courses .
Sylvie Marot affirme qu'une main courante a
été déposée à la suite du viol de sa sœur par son père . Il n'existe pas de trace de cette main
courante .
Certains des témoins n'ont pas assisté aux
violences du mari envers sa femme. Ainsi, lorsque la présidente du tribunal a
demandé au frère de Jacqueline Sauvage s'il avait été témoin de violences de la
part du mari de sa sœur, celui-ci a répondu que non . Le fils de Pascal Marot indique qu'il n'a
jamais vu son grand-père frapper sa grand-mère . La fille de Pascal indique qu'elle n'a
jamais vu directement de violence, mais se souvient avoir dû précipitamment
quitter la maison un jour de Noël à l'initiative de son père « car les esprits
commençaient à s'échauffer .
Lors de la première journée du premier
procès, la femme de Pascal Marot déclare qu'elle n'a pas vu de violences, ni de
traces de coups sur le corps de sa belle-mère . Lors de la seconde journée, l'ancienne
compagne de Pascal Marot indique en revanche avoir été frappée par Norbert
Marot, et que son compagnon devenait violent lorsque son père tapait sur elle
ou sur sa femme. Elle indique avoir vu Jacqueline Sauvage tuméfiée et couverte
de bleus, et avoir assuré les courses à sa place dans ces cas-là .
La sœur de Norbert Marot affirme que son
frère n'était pas violent durant son enfance . Elle ne trouve pas non plus
d'explication dans son enfance qui aurait pu expliquer la violence de son frère
. Jacqueline Sauvage ne lui a jamais dit que son frère la battait . Le 27 octobre 2014, la sœur de la victime
indique que, quand elle les fréquentait encore, avant leur emménagement à La
Selle-sur-Bied, le couple paraissait être un couple amoureux où
Jacqueline Sauvage appelait son mari «
moumoune » .
Témoignages des filles de Jacqueline
Sauvage
Entendue lors de la deuxième journée du
premier procès, Sylvie Marot, fille du couple, affirme qu'elle et une de ses
sœurs ont été victimes d' attouchements de la part de leur père [ . Selon elle,
la dernière fois qu'elle a été maltraitée par son père remonte à ses 21 ans,
juste avant son départ de la maison : un passage à tabac qui l'avait empêchée
d'aller travailler le lundi suivant .
Elle explique ne pas avoir porté plainte pour les attouchements dont elle dit
avoir été victime en raison d'un sentiment de honte, et parce qu'elle a «
refait sa vie ensuite », s'est « auto-protégée » .
Entendue le même jour que sa sœur Sylvie,
Carole Marot indique également avoir subi des attouchements de la part de son
père . Elle dit également avoir été
violée .
Le 27 octobre 2014, la troisième sœur,
Fabienne Marot est entendue . Elle dit
avoir subi des violences physiques de la part de son père durant son enfance .
Elle explique ne pas avoir porté plainte car, dans ce cas, son père serait
parti en garde à vue, puis serait revenu dans le foyer conjugal où sa mère aurait
subi des représailles . Elle dit
également avoir été violée par son père
. Elle a ensuite fugué , et elle
est partie porter plainte chez les gendarmes . Une fois sur place, elle aurait repris sa
déposition sur le bureau des gendarmes pendant qu'ils ne regardaient pas , pour
ensuite la brûler dans les toilettes , car son père lui faisait peur. Lorsque
l'avocate des parties civiles demande si Fabienne Marot n'avait pas eu peur
pour ses enfants lorsque son père les a emmenés en camping-car dans la Somme en
2011, elle répond que son père savait qu'il n'avait pas le droit de toucher à
ses enfants .
Témoignages des voisins de Jacqueline
Sauvage
Une voisine du couple affirme avoir peur de
Norbert Marot , ils ont également porté
plainte contre lui , mais la plainte a
été classée sans suite . Cette même voisine affirme également que son mari avait
giflé Jacqueline Sauvage . Enfin, elle témoigne que Norbert Marot était violent
verbalement , mais qu'elle ne l'a jamais
vu lever la main sur sa femme .
Une autre voisine témoigne lors du procès
en appel avoir retrouvé Jacqueline Sauvage apeurée, tétanisée et ensanglantée
dans une voiture, refusant de rentrer chez elle, mais obligée de le faire par
son mari. Elle indique avoir à plusieurs reprises « trouvé madame Marot dans
des états, très esquintée du visage. » [sic] et « même été lui faire ses
courses une ou deux fois » .
Autres témoignages
Lors de la deuxième journée du procès, le
27 octobre 2014, un ancien employé de la société de transport de Norbert Marot
fait état de relations de travail plus difficiles avec le père qu'avec les
enfants . Il ajoute que le père avait une façon de parler qui n'était pas
toujours agréable .
Le même jour, le maire de la commune où
résidait le couple indique qu'il y a toujours eu des conflits de voisinage
causés par leurs camions, garés sur le domaine public, jusqu'à ce qu'ils
achètent un terrain .
Un ancien camarade du père indique s'en
être éloigné après avoir constaté qu'il se livrait à des attouchements sur ses
filles : « Il avait un comportement étrange avec ses filles. Il
« chahutait », selon ses termes, mais il
leur touchait les seins et les fesses. Donc je me suis éloigné. Je savais bien
qu'il fallait dire quelque chose. Mais ce n'était pas facile. Chez lui, il
faisait régner la terreur. »
Verdict du premier procès
À l'issue du procès de trois jours dans
lequel elle apparaît libre, Jacqueline Sauvage est condamnée le 28 octobre 2014
par la cour d'assises d' Orléans à 10 ans de réclusion criminelle pour le
meurtre sans préméditation de Norbert Marot . Elle est incarcérée après le verdict et fait appel de la décision deux jours après.
La médiatisation importante de cette affaire débute à cette période.
Procès en appel de 2015
L'audience débute le 1 er décembre 2015 à 9
heures . Sa défense est assurée par des
avocates spécialisées dans le domaine des violences conjugales, Maîtres Janine
Bonaggiunta et Nathalie Tomasini, qui avaient notamment obtenu l'acquittement
d' Alexandra Lange en plaidant la légitime défense.
À l'issue du tirage au sort, le jury
populaire se compose de cinq femmes et quatre hommes .
Le 3 décembre 2015, l'avocate de la partie
civile déclare lors de sa plaidoirie : « On ne nie pas ce comportement
violent. M. Norbert Marot en est pleinement responsable. Il y a tout de même
des réserves factuelles sur ces violences, car aucun élément matériel ne les
atteste. Il y a des témoignages, mais peu d'éléments matériels. »
Les témoignages des voisins font état d'un
climat de tension dans le quartier créé par Norbert Marot, homme colérique,
prompt aux insultes et à la violence .
La peine de 10 ans de prison ferme est
confirmée en appel pour meurtre aggravé (sur conjoint), avec une période de
sûreté automatique et incompressible de cinq ans. Jacqueline Sauvage ne pourra
bénéficier de la liberté conditionnelle qu'en avril 2018, sauf
relèvement exceptionnel de la période de
sûreté .
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Comment faire ?
Réactions
Demande en grâce présidentielle
Après sa condamnation en appel, le dernier
recours est le pourvoi en cassation , qui ne porte jamais sur le verdict de
culpabilité et peut donc seulement faire varier la peine. Seule la grâce
présidentielle permet de mettre fin à la peine prononcée par le tribunal , ou
révoquer la période de sûreté qui l'empêche de demander une libération conditionnelle
avant avril 2018 .
Le 8 décembre 2015, une demande de grâce
présidentielle est adressée à François Hollande par les trois filles de
Jacqueline Sauvage. Ces dernières expriment publiquement leur soulagement de voir
leur père mort, étant données les violences sexuelles qu'elles affirment avoir
subies de sa part.
Une pétition de soutien est lancée par Karine
Plassard sur Change.org et recueille de
340 000 signatures au 25 janvier 2016 . Un comité de soutien se crée pour
appuyer la demande de grâce, regroupant notamment la comédienne Éva Darlan et
des personnalités politiques comme Anne Hidalgo , Daniel Cohn-Bendit et
Jean-Luc Mélenchon .
Un groupe de 36 parlementaires relaie cet
appel devant le Parlement et auprès du chef de l'État, avec comme objectif
affirmé de légiférer. Le président de la République reçoit la famille de Jacqueline Sauvage le
vendredi 29 janvier 2016 à l' Élysée .
Annonce de préparation d'un projet de loi
La députée Valérie Boyer ( Les Républicains)
annonce qu'elle prépare le dépôt d'une proposition de loi visant à élargir la
notion de
légitime défense . Ce projet s'inspirerait
de la loi canadienne du syndrome de la femme battue , qui reconnaît l'état
d'emprise dont sont victimes les femmes battues et explique en raison d'un
stress post-traumatique , leur incapacité à porter plainte. Ce projet
prévoirait aussi une reconnaissance de l’état de danger permanent subi par ces
femmes . La délégation aux droits des
femmes de l' Assemblée nationale est d'avis de privilégier une initiative dans
le cadre du projet de loi « Justice du XXIe siècle » de Christiane Taubira . Mais cette proposition n'est pas recevable
juridiquement, notamment au regard de l' article 2 de la Convention européenne
des droits de l'homme .
Pour Luc Frémiot, avocat général qui avait
requis et obtenu l'acquittement d'Alexandra Lange — laquelle avait tué son mari
violent d'un coup de couteau alors qu'il était en train de l'étrangler —, la
légitime défense différée n'est pas envisageable, et la loi actuelle est
suffisante, à travers les notions de
circonstances atténuantes et d' état de
nécessité , pour traiter ces cas de façon juste. D'autre part, une application
aux seules femmes victimes de violences conjugales constituerait une rupture
inconstitutionnelle d'égalité devant la loi, puisqu'il existe aussi des
hommes victimes de violences conjugales ,
physiques ou morales, ponctuelles ou habituelles, et que nul n'entend leur
reconnaître pour autant le droit de tuer leur partenaire par surprise et de
façon différée (à l'instar de Jacqueline Sauvage, reconnue coupable de ces
faits ; voir ci-avant) en invoquant ensuite la légitime défense .
Échec de la demande de libération
conditionnelle
La remise de peine de deux ans et quatre
mois ainsi que de la période de sûreté restant à accomplir permettent de saisir
le juge de l'application des peines au terme d'un long processus, afin
d'envisager une éventuelle
libération conditionnelle. Une première
phase d'évaluation psychologique et médicale d'une durée de six semaines permet
d'établir des rapports qui sont transmis à une commission pluridisciplinaire
des mesures de sûreté, sous la direction du préfet du département et d'un
bâtonnier, qui rend un avis . Compte
tenu de l'engorgement de ces commissions, les délais sont compris entre six
mois et un an. Une fois l'avis délivré, les avocats doivent plaider le dossier
devant le tribunal de l'application des peines qui statue sur la demande de
libération. Si la décision est favorable, et en cas d'appel du parquet déposé
dans les 24 heures, la libération est repoussée. La libération conditionnelle,
si elle est accordée, peut être assortie des mesures habituelles : port d'un
bracelet électronique , régime de
semi-liberté ou placement à l'extérieur .
Le 8 février à midi, Jacqueline Sauvage
quitte la prison de Saran pour rejoindre le centre pénitentiaire sud francilien
de Réau (Seine et Marne). Dans le cadre de sa demande de libération
conditionnelle, elle doit dans un premier temps être évaluée pendant six semaines
pour évaluer le risque de récidive et sa « dangerosité » dans un Centre National
d'Évaluation (CNE) . Maître Janine
Bonaggiunta, une des avocates de Jacqueline Sauvage annonce avoir pris
rendez-vous le 1 er mars avec le juge de l'application des peines en vue de
demander sa libération conditionnelle immédiate .
Le tribunal d'application des peines de
Melun refuse la remise en liberté conditionnelle le 12 août 2016. Le tribunal
d'application des peines, selon un tweet de l'avocat Eric Morain a notamment précisé que la médiatisation en
faveur de sa libération n'était pas propice à une introspection individuelle
sur la gravité de l'acte commis . Le
parquet a fait appel de cette décision .
Immédiatement après le verdict, Karine Plassard relance une pétition demandant
la libération immédiate de Jacqueline Sauvage. Celle-ci recueille plus de 130
000 signatures en quelques jours .
Le 16 août 2016, ses avocates annoncent que
Jacqueline Sauvage renonce à interjeter appel de la décision du tribunal d'application
des peines de Melun, « épuisée de l'acharnement judiciaire à son encontre » .
Cependant, le 21 août, leur cliente change d'avis et maintient son appel .
Le 24 novembre 2016 , la cour d’appel de
Paris rejette à son tour la demande d’aménagement de peine .
Grâces présidentielle accordée .
Le 31 janvier 2016 , François Hollande
accorde une grâce présidentielle partielle à Jacqueline Sauvage. Sa peine est
réduite de 2 ans et 4 mois et la période de sûreté (applicable automatiquement
aux peines pour violences aggravées supérieures ou égales à 10 ans) est abolie . Le communiqué de presse officiel de l'Élysée
indique que :« Cette grâce lui permet de présenter
immédiatement une demande de libération conditionnelle.
Le président de la République a voulu, face
à une situation humaine exceptionnelle, rendre possible, dans les meilleurs
délais, le retour de
M me Sauvage auprès de sa famille, dans
le respect de l’autorité judiciaire››
Le 26 décembre 2016 , Benoît Hamon , alors
candidat à la primaire de gauche , s'adresse publiquement et indirectement au
président de la République, en lui demandant de gracier totalement Jacqueline
Sauvage .
Le 28 décembre 2016 , François Hollande
accorde une grâce présidentielle totale à Jacqueline Sauvage . Le président de
la République déclare sur le réseau social
Twitter :«
J'ai décidé d'accorder à Jacqueline Sauvage une remise gracieuse du reliquat de
sa peine. Cette grâce met fin immédiatement à sa détention. »
Le même jour, vers 18 h 30, Jacqueline
Sauvage quitte, à bord d'une voiture banalisée, la prison de Réau (en
Seine-et-Marne) dans laquelle elle était détenue. Certains organes de presse
surnomment le président « François le Juste » , mais les syndicats de magistrats s'insurgent
contre cette ingérence autoritaire du pouvoir exécutif sur une décision
judiciaire pourtant confirmée par plusieurs tribunaux indépendants .
Le 6 janvier 2017 , lors d'une interview
télévisée donnée à la suite de sa libération, Jacqueline Sauvage déclare : « Je
ne suis pas du tout coupable. » Ce cantonnement « dans un positionnement
exclusivement de victime », tel que précisé dans le rejet d'instance du 31 août
2015, était ce qui avait motivé le rejet de ses demandes de libération conditionnelle
.
Controverses
Dénonciation du traitement de l'affaire
par certains médias
L'avocat Régis de Castelnau , auteur du
blog Vu du Droit , dénonce dans cette affaire un « culte des coupables
innocents » orchestré par des médias prompts à contester les décisions de
justice sans même prendre la peine de lire les dossiers juridiques. On assiste
ainsi à « un mécanisme particulier qui voit des culpabilités reconnues et
sanctionnées par la justice faire l’objet d’une contestation exclusivement dans
le champ médiatique où une opinion publique chauffée à blanc prend le parti du
condamné sur la base d’un récit et d’une vérité aux antipodes de ceux élaborés
par une procédure régulière et contradictoire. Et pour finir, on demande au
chef de l’exécutif de donner tort à la justice en prononçant la grâce. Ce fut
le cas pour Tangorre soutenu par la gauche (Mitterrand) et pour Radadd soutenu
par la droite (Chirac) ». Il considère
la grâce totale finalement accordée par François Hollande en décembre 2016
comme une insulte à l'indépendance de la justice, aux professions juridiques et
à la République .
L'avocate Florence Rault, spécialisée dans
la défense des affaires de délinquance sexuelle sur mineurs, s'exprimant sur un
blog personnel publié par le Figarovox , dénonce également le traitement
médiatique de cette affaire afin d'« assurer la promotion d'un féminisme
victimaire, et affirmer l'impossibilité de l'existence d'une violence des
femmes » . Selon elle, et en s'appuyant
sur son propre examen du dossier, les violences que Jacqueline Sauvage aurait
subies ne seraient attestées que par un certificat médical récent . Concernant
les accusations d' inceste formulées par ses filles, elle s'étonne que
celles-ci aient oublié ces sévices et qu'ils leur seraient revenus à la mémoire
trente ans après . Enfin, elle rappelle
que Jacqueline Sauvage n'était pas au courant du suicide de son fils au moment
du meurtre , ce qui ne peut être un facteur
déclencheur du meurtre
.
L'avocat bloggeur Maître Eolas a critiqué,
comme Florence Rault, le décalage entre les faits tels qu'ils ressortiraient
selon lui des procès et la présentation médiatique qui en a été faite . Il explique d'autre part la sévérité de la
condamnation par la présentation inexacte du mécanisme de remise des peines
faite par l'avocat général aux jurés, et souligne l'ignorance des règles de
l'application des peines manifestée dans les commentaires des médias. Il
considère que l'existence d'un recours en grâce présidentielle est un
contre-pouvoir, et qu'« il n’est pas scandaleux que la plus haute autorité de
l’État puisse imposer la clémence » d'autant que dans le cas Jacqueline Sauvage
« le quantum de la peine semble avoir été décidé par une cour d’assises mal
informée sur la portée réelle d’une telle peine » et qu'il n'existe pas d'autre
voie de recours .
Pour le magistrat Philippe Bilger ,
évoquant les quarante-sept ans de coups, d'humiliations et d'abus sexuels ainsi
que l'absence de réaction en raison de l'emprise de l'époux, si selon lui
« la réalité de cette vie d'enfer a été
prouvée », elle n'empêche pas de s'interroger sur cette absence de réaction. Il
note surtout qu'il convient de respecter les décisions judiciaires établies par
deux jurys populaires, et considère que les politiques, en s'immisçant dans une
affaire à laquelle ils n'ont pas assisté ou en prévoyant en réaction de déposer
un projet de loi, bafouent l'autorité de la justice. Il trouve démagogique que
ces soutiens soient reçus à l'Élysée .
Il dénonce également les prises de positions des divers soutiens, faisant
remarquer qu'ils ne connaissent pas les détails et les débats relatifs à cette
affaire .
Selon Geoffrey Clavel du Huffington Post ,
les personnalités politiques et médiatiques critiques de la libération
conditionnelle sont rares, même si la décision de grâce est critiquée par la
magistrature, qui voit en elle une remise en cause de son indépendance.
Geoffrey Clavel indique dans son article que la demande de grâce partielle
renvoie la décision de libération dans le champ décisionnel de la justice,
puisqu'elle revient au juge de l'application des peines .
Thierry Levêque, journaliste chez Reuters ,
avance que l’affaire Sauvage serait bien plus complexe que ne le pensent les
personnalités politiques et du show business qui se sont positionnés sur
l'affaire, « une affaire dont aucune n’a bien sûr assisté aux procès » . Il qualifie d'« authentique storytelling »
la défense de Jacqueline Sauvage et précise que
« cette technique de communication de la «
post-vérité » consiste à habiller la réalité pour la rendre plus défendable » . Il soulève comme point juridique qu'« il
n'existe en effet nulle trace médicale des mauvais traitements qui auraient
duré 47 ans, il n’y a jamais eu aucun dépôt de plainte, ni pour ces violences,
ni pour les violences sexuelles alléguées par deux des trois filles de
l’accusée » . Il ajoute que « ces
dernières n’ont d’ailleurs fait état devant la justice de ces violences
sexuelles qu’à partir du premier procès » . Il précise que « ça ne veut évidemment pas
dire qu’elles n’ont pas existé, mais ce point entretient une certaine ambiguïté,
d’autant que la quasi-totalité de la famille travaillait dans l’entreprise de
transport du père » .
Dans un article pour Le Figaro , le
philosophe
Robert Redeker a aussi contesté la grâce
totale accordée par François Hollande à Jacqueline Sauvage, qu'il considère
comme « une insulte à la démocratie motivée par l'idéologie victimaire » .
Dans une chronique vidéo du 6 janvier 2017,
le philosophe Michel Onffray s'interroge également quant à la pertinence de la
grâce totale accordée par François Hollande, qui remet en cause plusieurs
décisions d'assises et de magistrats, et qui ouvre le droit à l’auto-défense et
aux règlements de comptes personnels .
L’ Union syndicale des magistrats s'est
également indignée de la grâce totale accordée par François Hollande en dépit
de la double confirmation du jugement : pour sa secrétaire générale Marie-Jane
Ody cette décision « gomme » tout le travail judiciaire , alors que le tribunal de l'application des
peines avait formellement refusé la libération conditionnelle que permettait,
dès janvier, la grâce partielle déjà accordée par le président de la
République. « Toutes ces journées de procès sont mises à néant par un pouvoir
exécutif qui va trancher, en ayant entendu uniquement un comité de soutien »
soutient-elle dans un entretien accordé au Monde , appelant à la suppression du
droit de grâce présidentielle,
« survivance du pouvoir royal »
incompatible avec la démocratie et l'idée d'une justice impartiale et
indépendante .
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