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dimanche 21 juillet 2019

HISTORIQUE DE LA NOTION DU DROIT NATUREL

Bien que la philosophie antique se soit beaucoup préoccupée de la différence entre la « nature » (physis, φúσις) d'un côté et la « loi » ou « coutume » (nomos, νóμος) de l'autre, il n'y a pas, à proprement parler, de « droit naturel » en Grèce. Toutefois, les stoïciens ont formulé une notion de loi naturelle universelle. Celle-ci est cependant davantage descriptive que prescriptive : elle décrit l'action des êtres humains en fonction d'un plan providentiel voulu par la Nature ou par Dieu tendant vers le bien et le juste.

Cependant, Antigone de Sophocle, pièce écrite au ve siècle av. J.-C. en Grèce, offre une première ébauche de ce que pourrait être le droit naturel. Par un édit, le roi Créon interdit de célébrer les rites funéraires de Polynice. Antigone, sœur de Polynice et nièce de Créon, transgresse l'interdiction en vertu de « lois non écrites » en vigueur « depuis l'origine » :

« Je ne croyais pas, certes, que tes édits eussent tant de pouvoir qu'ils permissent à un mortel de violer les lois divines : lois non écrites, celles-là, mais intangibles. Ce n'est pas d'aujourd'hui ni d'hier, c'est depuis l'origine qu'elles sont en vigueur. »


C'est la première représentation d'un individu qui agit contre la loi non pas en fonction de son intérêt mais au nom d'une loi supérieure.

Leo Strauss établit une chronologie de l'histoire du droit naturel en deux temps, celui d’un droit naturel classique et celui d’un droit naturel moderne.

Dans le droit naturel classique, il distingue trois courants :

le premier courant englobe Socrate, Platon et les Stoïciens ;le deuxième courant est celui d’Aristote ;le troisième courant de droit naturel classique appartient à Thomas d’Aquin, parce qu’il introduit Aristote dans la théologie catholique du xiiie siècle, et réunit ainsi raison humaine et foi, autorisant le perfectionnement moral et intellectuel, soit la fin naturelle de l’être humain.

Dans le droit naturel moderne, Leo Strauss voit deux figures importantes : Thomas Hobbes, qu'il voit comme l'un des fondateurs de cette théorie, et qu'il assimile au libéralisme économique, et John Locke.

À la Renaissance, l'école de Salamanque a reformulé le concept de droit naturel (xvie siècle) lui donnant son sens moderne. Il fait alors référence à la nature de l'homme.

Le philosophe néerlandais Hugo Grotius(1583-1645) est souvent considéré comme l'un des fondateurs du droit naturel moderne. Il est le premier philosophe de l'époque moderne à avoir étudié cette question, en relation avec le droit international et le droit commercial, à une époque où le commerce maritime se développait considérablement. Samuel von Pufendorf, très influencé par Grotius, s'est aussi penché sur la question.

Le droit naturel est en tout cas une émanation de la pensée européenne occidentale des Temps Modernes. Son développement coïncide d'une part avec la remise en question (notamment à travers la Réforme et la philosophie humaniste) de la religion catholique en tant que fondement ultime de toute légitimité, et d'autre part avec un développement sans précédent des échanges internationaux accompagnés de conquêtes coloniales. Le droit naturel est ainsi la transposition laïcisée et rationalisée, en pleine période d'expansion économique, scientifique et impériale, d'un universalisme déjà inscrit dans la culture européenne mais dont la base ne pouvait plus reposer ni sur un consensus religieux ni sur une autorité morale commune.

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