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mardi 27 novembre 2018

ᴅʀᴏɪᴛ ᴅᴇs ʙɪᴇɴs

En France, le droit des biens porte sur les relations juridiques dont l'origine ou l'objet se rapporte aux biens , c'est-à-dire à ce qui peut-être soumis à la propriété.
C'est en très grande partie le livre deuxième du Code civil — intitulé « Des biens et des différentes modifications de la propriété » — qui régit le droit des biens en France. Ce livre n'a pas, ou quasiment pas, été modifié depuis sa rédaction en 1804, et malgré le vocabulaire d'il y a deux siècles, les concepts énoncés sont toujours à même de s’appliquer aux biens contemporains.
Le langage juridique emploie volontiers « bien » en remplacement de « chose ». Toutefois la doctrine a attaché une signification différente aux mots choses et biens. Chose, pris philosophiquement se dit de ce qui est, il se dit indifféremment de tout, sa signification se déterminant par la matière dont on traite. Mais dans le langage du droit il présente un sens moins vague quoique peu déterminé, il s'entend de tout ce qui est dans la nature et qui peut être de quelque utilité aux hommes, que ce puisse être ou non possédé par eux comme un champ, une statue, l'air, l' eau courante, les animaux sauvages, etc. Le mot biens a une signification moins étendue ; par lui on désigne seulement les choses qui sont l'objet d'une propriété publique ou privée ; les choses que l'on possède (même les esclaves dans les pays où l'esclavage a été admis). Suivant les étymologistes ce mot vient du terme latin beo , rendre heureux, parce que pour les jurisconsultes du moins, les biens contribuent au bonheur de la vie (« nous procurant les moyens d'en augmenter les jouissances et nous fournissant ce qui est nécessaire pour la conserver ») ; pour cela il faut les posséder. Ce terme biens correspond en quelque sorte à l'expression pecunia du droit romain dont le sens est infiniment plus restreint que celui du mot res pris de manière abstraite car si dans le langage des Papinien et des Paul ce terme pécunia n'exprime pas seulement tout ce qui est or ou argent monnayé ou non, il ne s'entend du moins que des biens qui peuvent entrer dans notre patrimoine. On voit par ces définitions que tous les biens sont des choses mais que toutes les choses ne sont pas des biens.
Les nomenclatures que l'on rencontre pour les biens découlent de celles établies pour les choses (res ) en droit romain.

Divisions des choses en droit romain

Dans le langage juridique et employé dans son sens technique le mot chose (res ) désigne tout ce qui est susceptible de faire l'objet d'un droit, de même qu'on appelle personne (persona ) tout être capable d'avoir des droits.
Telle est la signification que Gaius et
Justinien attribuent au mot chose quand ils disent « omne jus quo utimur, vel ad personas pertinet, vel ad res, vel ad actiones », « Tout notre droit se rapporte soit aux personnes, soit aux choses, soit aux actions ».
Dans le droit romain , la notion juridique de la chose comprend donc un double élément. Il faut un objet du monde extérieur, objet qui peut être soit une chose corporelle, soit un fait de l'homme. Cette chose ou ce fait doit être susceptible de former l'objet d'un droit, l'on ne peut avoir un droit ni sur une chose hors du commerce, ni à un fait illicite ou immoral.
En droit romain on distingue des choses:
1- corporelles et incorporelles : de rebus corporalibus et incorporatibus ) ;
2- dans le commerce et hors du commerce : res quarum commercium non est ;
3- hors commerce : les choses communes (res communis ) : res communes omnium vel communia omnium ;
4- hors commerce : les choses publiques (res publicae) : res publicae populi romani vel publica ;
5- hors commerce : les biens des corporations : res universitatis ;
6- hors commerce : les choses de droit divin : res divini juris ; qui se répartissent en res sacrae , res religiosae et res sanctae ;
7- dans le patrimoine et hors du patrimoine (res nullius , res derelictae) :  res in patrimonio , res extra patrimonium ou res nullius ; res derelictae ;
res mancipi et nec mancipi   division propre au droit classique ;
8- fongibles et non fongibles ; res quae functionem reci piunt in genere genera quantitates ; res quae pondere numero vel mensura constant ; res quœ functionem recipiunt in specie ;
9- consomptibles et non consomptibles : Res quae usu consumuntur ; res quae sunt in abusu vel in abusu consistunt ;
10- mobilières et immobilières ; on distingue:
• immeuble par nature;
• immeuble par incorporation;
• Immeuble par destination ;
une distinction s’opère parmi les immeubles entre praedia rustica et
praedia urbana ;
une distinction s’opère parmi les immeubles entre fonds italiques et fonds provinciaux;
une distinction s’opère parfois parmi les meubles entre êtres inanimés et êtres animés;
divisibles et indivisibles : dividua vel individua ;
simples et composées ;
principales et accessoires (accesiones ).
Les choses corporelles sont celles qui tombent sous les sens, res corporales sunt quae tangi possunt . Les choses incorporelles doivent donc être celles qui ne peuvent point être saisies par les sens res incorporales sunt quae tangi non possunt , en d'autres termes ce sont les droits.
Une chose est dite dans le commerce lorsqu'elle est susceptible de faire l'objet d'un droit de la part des particuliers, dans le cas contraire elle est hors du commerce . En principe toutes les choses sont dans le commerce telle étant leur destination naturelle. Une chose n'est hors du commerce qu'en vertu d'une disposition spéciale. Les choses communes sont celles que la nature a destinées à l'usage de tous les hommes et qui partant ne sauraient appartenir en propre à un seul individu ; ces choses sont au nombre de quatre à savoir l'air, l' eau courante ; la mer et les rivages de la mer (estran ) — aer, aqua profluens, mare et per hoc littora maris.

Les choses publiques — res publicae — sont les biens appartenant à l'État et abandonnés par lui à l'usage de tous ses membres donc hors commerce. Les rives d'un fleuve ne sont publiques qu'en ce qui concerne leur usage ; tout citoyen peut donc se servir de la rive ainsi que des arbres qui s'y trouvent, mais la propriété de la rive et de ces arbres n'appartient pas moins aux riverains. C'est que la rive d'un fleuve n'est pas comme le rivage de la mer (l' estran ) un accessoire du cours d'eau elle constitue une portion de terre indépendante mais dont l'usage est indispensable aux besoins de la navigation.
Outre les biens affectés à l'usage de tous ses membres, l'État en a d'autres dont comme tout particulier il se réserve lui même l'usage — patrimonium populi vel fisci — il est évident que ces biens sont pleinement dans le commerce.

Les biens des corporations — res universitatis — sont placés hors du commerce mais sous la même condition que ceux de l'État, c'est-à-dire s'ils ont été destinés à l'usage de tous les membres de la corporation à défaut de quoi ils sont dans le commerce.

Une chose est dite dans le patrimoine lorsque à un moment donné elle forme la propriété d'une personne ou l'autre sinon elle est hors du patrimoine res extra patrimonium ou res nullius . Une chose est dans le patrimoine lorsqu'elle est la propriété d'un particulier ou lorsqu'elle appartient à une personnalité juridique. Généralement tous les objets de la nature sont dans le patrimoine. Font exception et sont sans maître, les choses communes (res communis ) mais non les autres choses hors du commerce qui sont la propriété de personnes juridiques, les îles (les pierres précieuses, les perles qu'on en retire), les animaux sauvages , les choses abandonnées par leur propriétaire (res derelictae), la personne et les biens des ennemis , le trésor.
L'importance de la division induite par le
mancipatio était capitale dans l'ancien droit romain. En général les res mancipi étaient plus fortement protégées par la loi, leur
aliénation s'effectuait d'après des formes plus rigoureuses et peut être dans les premiers temps donnaient elles seules lieu à une revendication. Sous le bas-empire cette division fondamentale s'évanouit et Justinien l'abolit d'une manière expresse. Il parait qu'originairement la propriété des res mancipi était la seule reconnue puisque res nec mancipi (pour mancipii) signifie choses ne donnant pas lieu à la propriété. L'accent est mis sur l'agriculture, activité principale de la société archaïque romaine. Étaient res mancipi les immeubles italiques, bâtiments comme fonds de terre à l'exclusion des immeubles provinciaux qui n'étaient pas même susceptibles de propriété privée. À titre d'accessoires des héritages étaient pareillement des res mancipi , les servitudes rurales mais non les servitudes urbaines ou personnelles, les bêtes de somme et de trait ainsi que les esclaves. Étaient res nec mancipi tous les objets mobiliers inanimés fussent ils relatifs à l'agriculture, puis les animaux domestiques autres que les bêtes de somme ou de trait, enfin les animaux sauvages.
L'intérêt de la division fongible/non fongible dans la théorie des obligations est capital. Le débiteur d'une chose non fongible est tenu de remettre l'individu déterminé qui fait l'objet de son obligation et ne peut offrir en paiement aucun autre ; le débiteur d'une chose fongible est libre d'acquitter sa dette en payant un objet quelconque du même genre. D'autre part dans le premier cas le débiteur est libéré par la perte fortuite de la chose due, cette circonstance rendant l'exécution de son obligation matériellement impossible, tandis que dans le second, la perte accidentelle de certaines choses comprises dans le genre convenu ne dispense aucunement le débiteur d'exécuter son obligation, exécution qui est toujours possible puisque tous les individus d'un genre ne sauraient disparaître en même.
Sont consomptibles les choses dont la substance s'altère par l'usage. Sont non consomptibles celles dont on peut se servir sans que leur substance vienne à changer. L'importance de la division est faible ; elle se réduit à ceci que l'usufruit et le prêt à usage ou commodat ne peuvent porter que sur des choses non consomptibles par la raison que l' usufruitier et le commodataire sont obligés après avoir usé de restituer en nature les objets reçus.
On appelle en général immeuble - praedium fundus - le sol avec toutes ses dépendances. Le sol est immeuble par nature. Les dépendances du sol sont immeubles par incorporation ou par destination spécialement sont immeubles par incorporation, les objets mobiliers unis au sol soit organiquement soit artificiellement de manière à ne faire avec le sol qu'un seul tout ; et immeubles par destination, les objets mobiliers qui sans être unis au sol comme les premiers sont cependant considérés par le propriétaire comme en étant des accessoires.
Les immeubles par nature sont seuls des immeubles véritables. Les immeubles par incorporation ou par destination sont de leur nature des choses mobilières réputées accidentellement immeubles parce qu'à un moment donné elles constituent des accessoires du sol ; de là résulte la conséquence importante que le jour où ils cessent de former des dépendances du sol ils recouvrent leur nature propre pour redevenir meubles.
La classification des immeubles en praedia rustica et praedia urbana , trouve son application capitale dans la théorie des servitudes réelles (iura praediorum), lesquelles se divisent en rurales et urbaines suivant qu'elles sont constituées au profit d'un
praedium rusticum ou d'un praedium urbanum . Les praedia rustica sont les immeubles destinés à la culture ou les fonds de terre, on les rencontre à la campagne (agri ) ou dans l'enceinte des villes (area ) et dans le dernier cas on leur donne parfois la qualification spéciale de praedia suburbana . Les praedia urbana sont les immeubles couverts de constructions, les propriétés bâties ou les bâtiments ; on les appelle en particulier aedes en ville et villae à la campagne (qu'il ne faut pas confondre avec praedium rusticum, une ferme).
Enfin on divise les immeubles en fonds italiques et fonds provinciaux selon qu'ils se trouvent en Italie ou en province.

LA CLASSIFICATION DES BIENS

Le droit français distingue deux ensembles de biens : les biens meubles et les biens immeubles . Cette distinction est héritée du droit romain , reprise par l'ancien droit français, pour finir dans le Code civil français en ouverture du livre deuxième, l'article 516 disposant que   « Tous les biens sont meubles ou immeubles. »

Biens immeubles

« Les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet auquel ils s'appliquent. »

Un bien peut donc être immeuble en raison de sa nature , de sa destination ou de son objet . En revanche, la jurisprudence française a estimé que la nature du bien ne peut résulter d’une convention (Cass. civ. 3 e , 26 juin 1991).

Les immeubles par nature

Sont immeubles par nature les biens qui ne peuvent pas être déplacés et ne sont pas destinés à l’être.
Ainsi, au sens de l’article 518 du Code civil français : « Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature ». De même, sont immeubles par nature « les récoltes pendantes par les racines, et les fruits des arbres » (article 520, alinéa 1 er ). Cependant, une fois les fruits détachés ou les grains coupés, ceux-ci sont meubles, même s'ils ne sont pas ramassés (alinéa 2). Il convient toutefois de réserver l’hypothèse de la mobilisation par anticipation , récoltes sur pied et arbres à abattre, qui deviennent alors meubles.

Les immeubles par destination

Il s'agit des biens qui par leur nature sont meubles mais entrent dans la catégorie des biens immeubles en raison de l’étroite relation qui les lient à un bien immeuble. On trouve dans cette catégorie :
=> les meubles affectés à l’exploitation d’un fonds : par exemple le matériel agricole, les machines d’une usine, les radiateurs d’une maison, etc. ;
=> les orgues ont également, en application de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, le statut d'immeubles par destination ;
=> les meubles attachés à perpétuelle demeure, c’est-à-dire quand ils ne peuvent être détachés sans être détériorés ou sans détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés (article 525). De même, les objets ayant fait l’objet d’un aménagement spécial (par exemple statue placée dans une niche prévue à cet effet), sont des immeubles par destination, encore même qu’ils puissent être retirés sans détérioration (article 525, alinéa 4) ;
les animaux que le propriétaire d'un fonds a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds.

Les immeubles par objet

Enfin, l’article 526 du Code civil prévoit la catégorie des biens immeubles par « l’objet auquel ils s'appliquent ». Cet article envisage trois hypothèses :
• l’usufruit des choses immobilières ;
• les servitudes ou services fonciers ;
• les actions qui tendent à revendiquer un immeuble.

Biens meubles

Traditionnellement, seuls les biens immeubles avaient une valeur - d'où l'adage latin dont le droit est friand res mobilis, res vilis . Toutefois, les rédacteurs du Code civil français (1804) ont accordé une place plus grande aux biens meubles, en faisant disparaître les immeubles incorporels de l' ancien droit (rentes ou offices ). Les animaux , les bateaux , les meubles meublants (art. 534), l'argent liquide, les créances , les obligations , les actions , etc. étaient ainsi déjà considérés comme biens dotés d'une réelle valeur pécuniaire. Celle-ci s'étend aussi bien aux biens corporels (œuvres d'art, flotte maritime…) qu'incorporels (part sociale d'entreprise, brevet , etc.).
La distinction de l'ancien droit entre biens meubles et immeubles en matière de
succession a perdu de son importance. En revanche, elle est demeurée centrale en matière de régime matrimonial , de droit des sûretés et en matière de prescription.
L’article 527 du Code civil envisage deux catégories de meubles : les meubles par nature et les meubles par détermination de la loi . Il faut également aborder l’hypothèse jurisprudentielle des meubles par anticipation .

Les meubles par nature

Tout d'abord, est meuble tout bien qui peut
« se transporter d'un lieu à l'autre » (art 528 du Code civil), que ce soit par ses propres moyens (ex : voiture) ou par une intervention extérieure (ex : table).
Les animaux étaient considérés comme des biens meubles (article 528) jusqu'au 28 janvier 2015 où la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale leur a reconnu la qualité « d’êtres vivants doués de sensibilité ».

Les meubles par détermination de la loi

Les biens incorporels sont des meubles, s'ils portent sur un bien meuble. Sont ainsi meubles les créances, parts sociales, droits de propriété intellectuelle…
L'exemple du fonds de commerce est de ce point de vue intéressant. C'est en effet un bien meuble incorporel, composé de différents éléments, comme le nom commercial, l'enseigne et surtout la clientèle. Il faut donc absolument le distinguer de l'immeuble, le local où est installé le commerce. Le propriétaire du fonds peut être différent du propriétaire de l'immeuble, il louera alors l'immeuble.
C'est aussi la catégorie résiduelle des biens, où rentrent tous les biens non-classés par le droit.

Les meubles par anticipation

La mobilisation par anticipation vise des biens immeubles par nature qui ont pour vocation de devenir des biens meubles.
Ont ainsi pu être qualifiés de meubles les récoltes sur pied, ou les arbres à abattre. Ces hypothèses un peu particulières demeurent toutefois délicates.

Bien incorporel et bien corporel

Les biens incorporels sont les droits sur des objets sans existence matérielle (démembrements du droit de propriété) ou une somme d'argent (droit de créance ) et les objets sans support matériel (part sociale d'entreprise, droit d'auteur).
Les biens corporels sont ceux qu'on peut physiquement saisir, ainsi que le droit de propriété sur ces biens (par fiction légale).
D'autres distinctions
Il existe d'autres distinctions de moindre importance. Certains biens sont
consomptibles c’est-à-dire qu'on les détruit lorsqu'on les utilise (aliments). D'autres sont des corps certains , en opposition aux choses de genre , appelés également biens fongibles . Un disque est une chose de genre, il peut être remplacé par un autre identique. Un tableau d'un grand maître est un corps certain, il ne peut être substitué par aucun autre bien.
NB : Mais l'on peut préciser qu'un bien est un droit, soit le lien entre celui qui sera appelé le propriétaire d'une chose et cette même chose, mais l'on confond en pratique bien (un droit) et chose (sur laquelle un droit s'exerce), ainsi un bien est par nature incorporel puisqu'il s'agit en fait d'un droit et non d'une chose, laquelle chose pourra elle être corporelle ou incorporelle.
On peut également opposer les biens appropriés avec les biens non appropriables et les biens non appropriés pour diverses raisons comme :
l' air, qui constitue un bien non susceptible d'appropriation (voir bien public ) ;
les biens sans maitre , biens dont le propriétaire est inconnu ou a disparu.

DES DROITS RÉELS

Classification

Les droits réels principaux portent sur la matérialité même de la chose.
Sont compris dans cette catégorie la propriété et ses démembrements (usufruit, nue propriété, superficie, emphytéose, droit d'usage) et la servitude.
Les droits réels accessoires sont des droits réels accessoires à une créance ; ce sont des garanties : les sûretés réelles (renforce la situation du bénéficiaire mais fragilise celle du propriétaire). L'exemple type est l' hypothèque .
Atténuation de la distinction : la propriété, en devenant une sûreté, devient un droit réel accessoire et ne confère alors plus à son titulaire de pouvoir sur la chose.

La (pleine) propriété

Le droit de propriété est le droit le plus étendu que l'on puisse avoir sur une chose tant qu'on en fait pas un usage prohibé par la loi. On l'appelle pleine propriété pour le distinguer de l' usufruit et de la nue propriété. Il se décompose en
droit d'usage (usus) ;
droit aux fruits (fructus ) : loyers, récolte d'un champ, dividende d'une action, etc. ;
abusus : le droit de transformer la chose, la détruire et volonté psychologique d'être le propriétaire.

Usufruit

L'usufruit est un démembrement du droit de propriété, qui confère à son titulaire le droit d'user et de jouir de la chose. L'usufruitier est privé du droit de disposer de la chose, lequel reste un attribut du nu-propriétaire. L'usufruit prend fin :
par l'expiration du temps accordé ;
avec le décès de l'usufruitier personne physique ;
en 30 ans pour l'usufruitier personne morale ;
en cas de non usage du droit durant une période 30 ans ;
par la perte totale de la chose qui est l'objet de l'usufruit.

La nue propriété

La nue propriété est la pleine propriété grevée d'un droit d' usufruit. Le nu propriétaire ne peut donc pas user de la chose ni en percevoir les fruits. À la fin de l'usufruit, il deviendra plein propriétaire.

L'hypothèque

L' hypothèque est un droit réel de garantie qui permet au créancier hypothécaire de mettre le bien grevé d'hypothèque en vente afin de récupérer sa créance.

Le droit d'usage

Le droit d'usage est, comme son nom l'indique, le droit d'user d'une chose. À la différence de l'usufruit, il ne donne pas droit aux fruits.

La servitude

Généralités

La servitude est un service que rend un fonds (= terrain) dit servant à un fonds dit
dominant . Il s'agit bien d'un service de fonds à fonds, quels que soient les propriétaires de ces fonds. Il s'agit donc bien d'un droit réel (sur une chose) et non d'un droit de créance (droit de requérir une personne de faire ou ne pas faire une chose).
Il y a des servitudes légales et des servitudes « établies par le fait de l'homme ».
Seules les servitudes à la fois continues et apparentes peuvent être établies par la prescription acquisitive. Le passage d’une canalisation ou d’un épandage de fosse septique, par exemple, ne peuvent donc être acquises que par convention de droit privée ou pour un passage sur un sol public par décision de l'autorité compétente.

Quelques exemples de servitude

Servitude de passage : il s'agit de l'autorisation d'accès à un fonds par un autre fonds.
ex: Lorsqu'une maison est enclavée (entourée de propriétés privées, sans aucun accès à un chemin public), par exemple, la servitude de passage oblige un propriétaire à accepter que son voisin (dont le terrain est enclavé) bénéficie d'un droit de passage sur son terrain afin de rejoindre les voies publiques.
Servitude de vue : il ne peut rien être fait sur le fonds servant qui porterait atteinte à la vue dont bénéficie le fonds dominant.
Servitude d'écoulement : droit de laisser s'écouler les eaux naturellement sur le fonds servant.
Servitude de puisage : autorisation d'accès à un fonds au propriétaire du fonds voisin, pour user d'un puits, d'une fontaine, d'un robinet... Une servitude de puisage entraîne de droit une servitude de passage, laquelle ne peut être refusée par le propriétaire du fonds servant.

D'autres droits réels

le droit de superficie est un droit de propriété qui ne porte que sur les constructions, pas sur le terrain ;
le droit d' emphytéose existait en droit romain et existe en droit belge (a été ajouté pendant la période hollandaise) ainsi qu'en droit civil français. L'emphytéote a, comme l'usufruitier, droit aux fruits et à l'usage mais il a en plus le droit de transformer le bien uniquement pour l'améliorer.

ʟ'ᴀᴄᴛɪᴏɴ ᴇɴ ᴊᴜsᴛɪᴄᴇ ᴇᴛ ʟᴀ ᴅᴇᴍᴀɴᴅᴇ ᴇɴ ᴊᴜsᴛɪᴄᴇ.

Le droit d'agir en justice est, pour le demandeur, le droit d'être entendu sur le fond de sa demande. Pour le défendeur, c'est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention .

L'action en justice est l'objet d'un droit subjectif indépendant du droit qu'elle tend éventuellement à mettre en œuvre, dont l'exercice peut constituer un abus. Cependant, cette notion d'action en justice est à différencier du droit substantiel dont elle permet la sanction judiciaire. Sans oublier qu'il ne faut pas non plus confondre le droit d'agir de la demande en justice.
Si ce droit n'existe pas, la demande est irrecevable.
La recevabilité de la demande en justice est subordonnée à la présence de l' intérêt à agir (« pas d'intérêt pas d'action » dit l'adage), et à celle de la qualité à agir .
L'action en justice est une liberté fondamentale pour chaque individu. Elle a pour effet de créer un lien d'instance entre les deux parties au litige. Le caractère libre de l'action en justice peut se traduire par exemple par la possibilité de demander une indemnisation ou non. Une décision du Conseil Constitutionnel du 25 juillet 1989 est venue consacrer cette liberté.

Le droit d'agir en justice

Le Code de procédure civile reconnaît le droit d'agir en justice aux personnes qui justifient d'un intérêt pour agir et d'une qualité pour agir. La capacité de jouissance dépend de l'existence juridique d'une personne, et prive par conséquent les défunts et les groupements dépourvus de la personnalité morale (société en participation et société en formation ) du droit d'agir en demande  et en défense  .

Les deux conditions requises pour que le droit d'agir en justice existe sont l'intérêt et la qualité pour agir. L'absence de l'une de ces conditions est une condition d'irrecevabilité . Toutefois, la distinction de ces deux notions est malaisée en pratique. L'intérêt et la qualité pour agir ne doivent pas être confondus avec la capacité et le pouvoir qui sont deux conditions de fond qui président à l'exercice du droit d'agir et dont l'absence entraîne la nullité de la demande pour irrégularité de fond .

L'intérêt pour agir

Il est défini de manière assez large : avantage pécuniaire ou moral que l'on peut retirer d'une action en justice. Pour Gérard Cornu , c'est « la constatation d'un mal et la possibilité d'un remède ».
Le Code de procédure civile consacre la maxime « Pas d'intérêt, pas d'action ». Si l'intérêt à agir en justice doit être né et actuel, la jurisprudence admet les actions lorsque l'intérêt n'est que futur (vérification d'écriture  , mesure d'instruction in futurum  , référé en prévention d'un dommage imminent, et action en dénonciation de nouvel œuvre), ou lorsque l'intérêt est incertain (actions déclaratoires telles que l'action en déclaration de nationalité  ou l'action en désaveu préventif de paternité ). En revanche, la jurisprudence rejette les actions interrogatoires et provocatoires .
Le titulaire du droit d'agir doit justifier d'un intérêt légitime juridiquement protégé, et d'un intérêt personnel et direct (« nul ne plaide par procureur »). La jurisprudence admet la recevabilité des actions intentées sur le fondement d'un intérêt collectif dans certaines conditions :
les actions sont recevables lorsque l'intérêt collectif ne constitue que la somme d'intérêts individuels, telle une association de défense qui agit dans l'intérêt de ses membres ;
les actions sont irrecevables lorsqu'elles sont intentées par une personne au nom d'une collectivité qu'elle prétend représenter (recours collectif ).
Cette notion d'intérêt légitime pose problème car cela suppose un jugement moral. Pour
Geneviève Viney , « c'est très bien qu'il y ait la possibilité de filtrer l'accès au prétoire. ». On renvoie donc à la tétralogie de Motulsky et l'on statue sur le bien-fondé de la prétention.
Cependant la loi permet aux associations et aux syndicats professionnels d’agir pour les intérêts communs du groupe représenté. Lorsque l’association défend une grande cause elle devra se conformer aux exigences de durée minimale, de déclaration d’intérêt public et d‘habilitation (voir le code de procédure pénale ).

La qualité pour agir

La qualité pour agir est le titre ou la qualification auxquels sont attachés, dans certaines actions en justice, le droit d'agir en justice, exigée à peine d'irrecevabilité. Cette qualité résulte soit de la qualité requise par la loi, soit, dans toutes les actions ouvertes à tout intéressé, de la justification d'un intérêt pour agir. On parle aussi d'actions attitrées ou d'actions banales. Parfois, il faut justifier d'un titre juridique (exemple : une action en divorce de la part de la belle-mère n'est pas recevable car seule la personne protégée peut agir. Dans cet exemple, la belle-mère a probablement intérêt au divorce mais l'on exige une qualité pour agir (l'un des deux époux)). La qualité pour agir peut a contrario élargir le nombre de personnes qui peut agir en justice.
La loi attribue la qualité pour agir à certains groupements pour représenter un intérêt véritablement collectif, sans devoir justifier d'un intérêt personnel à agir. Cette action est fondée sur les droits reconnus à la partie civile en cas d'infraction pénale. La qualité pour agir de ces groupements dépend donc de deux types de conditions cumulatives  :
=> les conditions liées aux statuts et à l'ancienneté de l'association au jour de l'infraction ;
=> les conditions liées à l'infraction, à la victime et à la personne à l'origine de l'action publique.
Les groupements qui se voient conférer la qualité pour agir au nom d'une catégorie de personnes comprennent :
• les syndicats de salariés (le syndicat a cependant l'obligation d'avertir le salarié qui a le droit de s'y opposer). C'est un arrêt des Chambres réunies de la Cour de cassation du 15 avril 1913 combiné à la loi du 12 mars 1920 qui ont consacré cette possibilité. Un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 mai 1993 affirme que l'on peut revendiquer l'indemnisation d'un préjudice économique ou social. ;
• les associations de lutte contre le racisme ;
• les associations de lutte contre les violences sexuelles ou familiales  ;
• les associations pour la défense ou l'assistance de l'enfant en danger et victime de toutes formes de maltraitance ;
• les associations de lutte contre les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre, ou de défense des intérêts moraux et l'honneur de la Résistance ou des déportés ;
• les associations de lutte contre la discrimination fondée sur le sexe ou sur les mœurs  ;
• les associations de défense de la nature et de l'environnement  ;
• les associations de défense des consommateurs . C'est la loi du 5 janvier 1988 qui les habilite notamment pour faire supprimer les clauses abusives.
Serge Guinchard parle de « jurisprudence des grandes causes » car les juges ont parfois habilité des associations alors même qu'il n'y avait pas de loi. Les associations avaient des stratégies soit pour obtenir une habilitation soit pour obtenir une loi.
Toute la difficulté est de distinguer les notions d'intérêt général et d'intérêt collectif. En effet, seul le ministère public a la qualité pour défendre l'intérêt général, il le fait parfois d'office. Il peut être soit partie principale soit partie jointe avec deux particularités : il n'est jamais condamné à payer les dépens et il n'a pas à communiquer ses conclusions à l'adversaire, ce qui engendre une rupture de l' égalité des armes . Par exception, un citoyen peut défendre l'intérêt général si un contribuable veut agir pour défendre les finances publiques de sa commune : il peut demander l'autorisation du tribunal administratif pour agir en justice et représenter l'intérêt de la commune. Le tribunal administratif va donc attribuer qualité au citoyen mais la procédure est très lourde. En matière pénale, on préconise la "partie citoyenne".
Un autre problème est le problème des
actions de groupe .
La loi du 18 janvier 1992 dite « loi sur l'action en représentation conjointe » est intervenue pour élargir les actions des associations. Elle permet d'agir pour défendre l'intérêt des consommateurs sous réserve d'obtenir au moins deux mandats. Pour Louis Boret, c'est une « action morte-née » à cause de ces mandats. De nombreuses questions se posent alors :
système d' opt-in et d' opt-out . Le Conseil Constitutionnel ayant consacré la liberté de l'action en justice par une décision du 25 juillet 1989, il n'y a pas de certitude absolue pour l' opt-out
En France, « nul ne plaide par procureur ». On ne risque qu'une nullité pour vice de forme.
L'autorité de la chose jugée : Elle a un effet relatif. Elle n'a d'autorité qu'à l'égard de ceux qui étaient parties au procès.
Le respect du principe du contradictoire : première phase du procès pour savoir si le professionnel est responsable, deuxième phase pour constituer le groupe.
On ne peut pas individualiser l'action : on doit savoir combien l'on donne et à quelles personnes.
Aux États-Unis , ce sont les cabinets d'avocats qui intentent l'action en justice.

La classification des actions

La doctrine retient deux classifications des actions en justice, l'une fondée sur la nature du droit qui fonde l'action, l'autre fondée sur l'objet du litige. Une troisième distinction distingue les actions selon leur finalité et pour qualifier un intérêt pour agir incertain.

Les actions réelles, personnelles et mixtes

Une première classification distingue les actions selon la nature du droit qui les fondent :
les actions réelles sont fondées sur un droit réel (de res , la chose) et comprennent :
Les actions pétitoires, qui visent à la reconnaissance d'un droit réel (action en revendication et action confessoire),
Les actions possessoires , qui visent à la protection de la possession (avec ou sans animus domini)
√ Les actions personnelles sont fondées sur un droit personnel ;
√ Les actions mixtes tendent à la mise en œuvre d'un droit personnel et d'un droit réel, soit simultanément (action en exécution forcée de la livraison de la chose vendue ), soit successivement (action en anéantissement d'un acte juridique et en revendication d'un bien ).
Cette classification est utilisée par les règles de compétence territoriale , tant en matière purement interne qu'en matière de droit international privé .

Les actions mobilière et immobilière

Une seconde classification oppose les actions mobilières (qui ont un meuble pour objet) et les actions immobilières (qui ont un immeuble pour objet). Cette distinction n'emporte aucune conséquence importante en matière de compétence d'attribution ou de compétence territoriale.

Les actions déclaratoires, interrogatoires et provocatoires

Une dernière classification des actions en justice est envisagée pour apprécier leur recevabilité au regard d'un intérêt à agir incertain. Les actions déclaratoires tendent à la reconnaissance d'une situation juridique par le juge, et sont admises dans certaines circonstances par la loi.
Les actions interrogatoires, elles visent à obliger quelqu’un qui dispose d’un délai à agir, à se déterminer immédiatement. Elles sont prévues par la loi dans quelques cas exceptionnels, notamment en matière de constitution de sociétés. En dehors, la Jurisprudence est hostile à ces actions. Les actions provocatoires ou de jactance, elles visent à obliger celui qui se vante publiquement de pouvoir contester une action en justice à en apporter la preuve devant le Tribunal afin d’en démontrer l’exactitude.
Ces actions dite préventives, sont en principe irrecevables, mais la loi admet quelques exceptions notamment en matière de mesures d'instruction.

Les formes de l'action en justice

Les parties introduisent  et conduisent l'instance en matière civile. Ainsi, les parties déterminent l'objet du litige soumis à l'appréciation du juge selon leurs prétentions respectives  , matérialisées sous la forme de demandes et de défense. On parle de principe d'initiative ou de principe d'impulsion. On parle aussi de principe dispositif qui veut que ce soit les parties qui disposent de l'instance. Il existe des exceptions, hors les cas où la loi en dispose autrement. Parfois, le juge a la possibilité de se saisir d'office. Selon ce même principe d'impulsion et d'initiative, les parties sont libres de mettre fin à l'instance avant le jugement. En vertu  du code de procédure civile, les parties conduisent l'instance en accomplissant des actes de procédure dans certains délais. Le juge veille au bon déroulement de l'instance. Quand on parle de principe dispositif, il faut voir que le principe est galvaudé car il n'a pas de réalité, il s'agit plus d'un principe de coopération des parties. C'est de l'activité combinée des parties et du juge que résulte l'instance. C'est une activité combinée. Il faut faire attention au fait que le principe de coopération est propre.

Les demandes en justice

Le Code de procédure civile propose une classification subtile des demandes en justice, selon leur chronologie et la qualité des personnes dont elles émanent.

La classification des demandes

Le Code de procédure civile distingue la demande en justice initiale des demandes en justice subséquentes, et qualifiées de demandes incidentes.

La demande initiale

La demande initiale, également appelée demande introductive d'instance, « est celle par laquelle un plaideur prend l'initiative d'un procès en soumettant au juge ses prétentions »  . La demande initiale est nécessairement principale, dans la mesure où elle aboutit à mettre en cause une personne pour la première fois. Toutefois, les demandes incidentes peuvent également être qualifiées de demandes principales.
La forme de la demande introductive d'instance varie selon la matière du litige :
en matière contentieuse, la demande initiale est formée par voie d' assignation ou de requête conjointe , voire par simple requête , par déclaration au secrétariat-greffe ou par présentation volontaire des parties ;
en matière gracieuse , la demande initiale est formée par voie de requête unilatérale remise au secrétariat-greffe  .

Les demandes incidentes

La typologie des demandes incidentes repose sur l'objet de la demande :

les demandes reconventionnelle et additionnelle tendent à modifier les prétentions des parties ;
les interventions volontaire et forcée tendent à la mise en cause d'un tiers à l'instance ;
l'appel en garantie tend à la mise en cause d'un débiteur d'une obligation de garantie.
Les demandes incidentes sont formées, entre les parties, selon les règles de forme des demandes initiales, et à l'égard des tiers ou des parties défaillantes, selon les règles de forme des moyens.

Les demandes reconventionnelle et additionnelle

La demande reconventionnelle est formée par le défendeur originaire « pour obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire »  . Ne constituent pas des demandes reconventionnelles :
la demande par laquelle la caution défenderesse demande simplement à être déchargée de son obligation en raison d'une faute commise par le créancier ;uniquement si la demande vise le déchargement total ou partiel de l'obligation, si le résultat de la demande est l'obtention de dommages-intérêts qui excèdent le montant de la dette de la caution alors il y a demande reconventionnelle
la demande de remboursement des frais non compris dans les dépenses.
La demande additionnelle est la demande
« par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures » .
Le Code de procédure civile admet la recevabilité des demandes additionnelles et reconventionnelles « qui se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ».

Les interventions volontaire et forcée

Les interventions tendent à la mise en cause d'une personne tierce à l'instance, soit à l'initiative du tiers (intervention volontaire), soit à l'initiative d'une partie (intervention forcée). Le Code de procédure civile distingue les interventions volontaires principales qui élèvent une prétention au profit de celui qui la forme , et les interventions volontaires accessoires qui appuient les prétentions d'une partie  . L'intervention forcée d'un tiers peut être motivée par la condamnation du tiers, ou pour lui rendre le jugement commun afin de fermer la voie de la tierce opposition.
La recevabilité de l'intervention d'un tiers dépend de l'existence d'un lien de rattachement suffisant aux prétentions des parties . Une intervention volontaire principale est recevable lorsque l'auteur justifie de son droit à agir pour les prétentions qu'il élève, tandis que l'intervention volontaire accessoire est recevable lorsque son auteur justifie son intérêt à soutenir la partie à laquelle il se joint. Enfin, l'intervention forcée suppose que le tiers mis en cause dispose d'un délai suffisant pour préparer sa défense.

L'appel en garantie

L'appel en garantie est une forme d'intervention forcée, dirigée contre un tiers à l'instance qui est débiteur d'une obligation de garantie envers l'une des parties. La garantie est simple ou formelle selon que le tiers est poursuivi comme personnellement obligé, ou simplement détenteur d'un bien.

Les effets des demandes

Sur le fond du droit, la demande en justice vaut mise en demeure au sens de l' article 1146 du Code civil , et interrompt la
prescription extinctive  et tous les délais pour agir . En matière procédurale, la demande initiale crée le lien d'instance et saisit le juge. Le juge compétent est déterminé au regard du montant de la demande, selon les règles de compétence matérielle.

Les moyens de défense

Les moyens de défense désignent l'ensemble des moyens invoqués par une partie, et qui tendent au rejet des prétentions de son adversaire. Le Code de procédure civile retient une classification ternaire des moyens de défense et distingue les moyens de défense au fond, les exceptions de procédure et les fins de non-recevoir. Les moyens de défense peuvent être invoqués par écrit (conclusions) ou oralement (intervention à l'audience), selon les règles de procédure spécifiques à la juridiction saisie.

Les moyens de défense au fond

Les moyens de défense au fond tendent « à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire »  . Ces moyens peuvent être proposés en tout état de cause  .

Les exceptions de procédure

Les exceptions de procédure sont des moyens de défense qui tendent « soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours » . Les quatre exceptions de procédure sont :
=> Les exceptions d'incompétence de la juridiction saisie ;
=>  les exceptions de nullité pour vice de forme ou de fond ;
=> les exceptions de litispendance et de
connexité ;
=>. Les exceptions dilatoires

Les exceptions de procédure doivent nécessairement être invoqués in limine litis , avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir  . Cependant, les exceptions de nullité peuvent être soulevées après l'accomplissement de l'acte de procédure critique . Le principe est que les exceptions de procédure doivent être soulevées simultanément.
Les exceptions de nullité pour vice de fond peuvent être invoquées en tout état de cause et à n'importe quel stade mais pas devant la Cour de cassation. Le code de procédure civile fournit une liste de vices de fond. La liste est normalement limitative, ce qui peut apparaître comme une incohérence avec l'article 119 du même code. Il ne faut pas que cela favorise des manœuvres dilatoires. L'article 123 du code de procédure civile Français prévoit un tempérament : si l'on prouve l'intention dilatoire, la partie pourra être condamnée à payer des dommages et intérêts. Il est cependant délicat de prouver cette intention dilatoire. Le problème est de savoir quel est le dommage ressenti (perte de temps, d'argent, etc.)
La difficulté d'établir le préjudice amène généralement à une clause de conciliation préalable
La sanction est une nullité.
Ces vices de fond ne supposent pas la preuve d'un grief.
Le juge a l'obligation de relever d'office les exceptions pour vices de fond (exemple : défaut de se pourvoir d'un avocat).
Les vices de fond peuvent être régularisés.
Les cas de vices de fond sont des cas graves, il est donc nécessaire de qualifier le vice.
Parmi les causes d'exception de nullité, il y a notamment le non-respect des formalités prévues dans un texte. C'est une catégorie ouverte parce que constituent des vices de forme le non-respect de formalités substantielles. La jurisprudence évolue dans le temps : elle considère désormais que le fait de ne pas mentionner dans une assignation le nom de l'avocat est un vice de forme (Arrêt de la 2 e chambre civile de la Cour de cassation du 30 avril 2009). Même chose pour le fait de ne pas identifier l'appelant (Arrêt de la 2 e chambre civile de la Cour de cassation du 13 novembre 2008).
Les exceptions dilatoires visent toutes les hypothèses où le plaideur beneficie d'un délai qui justifie la suspension de l'instance. Lorsque le plaideur bénéficie d'un délai pour dresser inventaire, il ne peut soulever les autres exceptions qu'à l'issue de ce délai.

Les fins de non-recevoir

Les fins de non-recevoir sont des moyens de défense qui tendent « à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir »  . Les fins de non-recevoir sont fondées sur :
le défaut d'intérêt ou de qualité pour agir ;
l'échéance de la prescription ou l'écoulement d'un délai préfix ;
l'autorité de chose jugée ;
l' estoppel. (qui n'est pas une fin de non recevoir reconnue par le CPC mais que certaines interprétations jurisprudentielles tendent à considérer comme telle)
Les fins de non-recevoir peuvent être invoquées en tout état de cause, mais le plaideur peut être condamné à des dommages et intérêts s'il tarde à l'invoquer dans une intention dilatoire . Elles ne nécessitent pas la démonstration d'un grief et relèvent de la seule compétence du juge du fond.

samedi 24 novembre 2018

ᴜɴ ʜɪsᴛᴏɪʀᴇ ᴅᴇ 1⃣9⃣1⃣6⃣

Jesse Washington est un ouvrier agricole afro-américain lynché à
Waco au Texas le 15
mai 1916. Washington est âgé de 17 ans lorsqu'il est accusé du viol et du meurtre de la femme de son employeur à Robinson dans le Texas. Il n'y a aucun témoin oculaire de l'agression mais il est vu à proximité de la maison vers l'heure du meurtre. Rapidement arrêté, il est interrogé par le shérif du comté de McLennan et finit par avouer.
Washington est jugé pour meurtre au tribunal de Waco. Il plaide coupable et est rapidement condamné à mort . Aussitôt après l'annonce de la sentence, il est entraîné hors du tribunal par des spectateurs et lynché devant l'hôtel de ville. Plus de 10 000 personnes, dont des membres de l'administration et de la police et des écoliers libérés pour leur pause de midi, se rassemblent pour assister au lynchage. La foule castre Washington, lui coupe les doigts et le suspend au-dessus d'un feu de joie. Il est, à plusieurs reprises et pendant environ deux heures, levé et descendu dans les flammes pour retarder sa mort. Après l'extinction du feu, son torse calciné est trainé dans la ville et des morceaux de son corps sont vendus en souvenirs. Un photographe professionnel prend des clichés de l'événement, fournissant ainsi l'un des rares témoignages visuels d'un lynchage en cours. Ces images sont imprimées et vendues comme cartes postales à Waco.
Si ce lynchage est soutenu par de nombreux habitants de Waco, il est en revanche condamné par les journaux de tous les États-Unis. La National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) engage l'activiste ᴇʟɪsᴀʙᴇᴛʜ ғʀᴇᴇᴍᴀɴ pour enquêter sur place. Elle réalise une analyse détaillée de l'événement en dépit des réticences des habitants à s'exprimer sur le sujet. Après avoir reçu le rapport de ᶠʳᵉᵉᵐᵃⁿ, le cofondateur de la NAACP, W. E. B. Du Bois , publie un compte-rendu complet avec des photographies du corps calciné de Washington dans le magazine The Crisis et la NAACP met en exergue cette mort dans le cadre de sa campagne anti-lynchage.
La mort de Washington reçoit une couverture médiatique sans précédent aux États-Unis, affectant durablement la réputation de Waco jusqu'alors considérée comme une ville moderne et progressiste et contribuant à réduire la pratique du lynchage dans le pays.

ᴛᴏᴜᴛ sᴀᴠᴏɪʀ sᴜʀ ᴛᴏᴜssᴀɪɴᴛ ʟᴏᴜᴠᴇʀᴛᴜʀᴇ

François-Dominique Toussaint Louverture, à l'origine Toussaint de Bréda, né vers 1743 près du Cap-Français (actuel Cap-Haïtien), mort en captivité le 7 avril 1803 à La Cluse-et-Mijoux (Doubs), est un homme politique français des Antilles d'origine afro-caribéenne. Descendant d'esclaves noirs, il joue un rôle historique de premier plan en tant que chef de la Révolution haïtienne (1791-1802) et devient une des grandes figures des mouvements anticolonialiste, abolitionniste et d'émancipation des Noirs.


L’historiographie haïtienne ou encore l’œuvre de l’abolitionniste Victor Schœlcher ont érigé Toussaint Louverture en modèle de libérateur de l’oppression. D'autres historiens présentent une vision plus contrastée du personnage, nostalgique d’un Saint-Domingue « perle des Antilles », dans lequel il a grandi et prospéré et dont l'opposition au système colonial de l’Ancien Régime serait à nuancer. Pourtant c’est bien la Révolution qui porte cet ancien esclave noir affranchi dans les plus hautes strates du pouvoir militaire puis politique de la colonie française de Saint-Domingue jusqu'à sa chute face à l'armée du général Leclerc envoyée par le Premier consul Bonaparte qui, parallèlement, rétablit l'esclavage (1802). Arrêté et emmené en France, Toussaint Louverture finira ses jours en 1803, incarcéré en isolement au fort de Joux, dans le rude climat du Doubs, sans avoir pu connaître la proclamation d'indépendance d'Haïti le 1er janvier 1804 par son ancien lieutenant Dessalines.

Biographie


Toussaint Bréda, un habitant noir propulsé chef militaire d’esclaves insurgés


Un noir créole affranchi

La première partie de l'existence de Toussaint appartient en grande partie à la mythologie. Il serait né esclave à Saint-Domingue (actuelle Haïti à ne pas confondre avec la capitale de la République Dominicaine) au début des années 1740 ; non pas libre en Afrique car Toussaint occupait des fonctions de domestique, très certainement de cocher, une faveur qui n’était réservée qu'aux créoles. On raconte, au sujet de ses origines, qu'il aurait été le fils de Gahou Deguénon, un prince africain d'Allada (actuel Bénin). Cette rumeur circulait de son vivant. L'historien français du XIXe siècle Antoine Marie Thérèse Métral rapporte qu'« en l'an X, quand la perte de Toussaint Louverture fut jurée, on lui reprocha dans les journaux d’être le descendant d’un roi d’Afrique (voyez les journaux de vendémiaire et de brumaire de ce temps) ». Selon l’historien M. Bernard Gainot, dans son cours magistral enseigné à La Sorbonne, ce mythe d'une ascendance royale trouve peut-être son origine dans le fait que Toussaint Louverture savait lire et écrire, que cela impressionnait énormément les autres esclaves. Pourtant Toussaint n'a été alphabétisé que tardivement, puisqu’en 1779 il déclarait dans un acte ne savoir « ni signer, ni écrire ». Son éducation lettrée a donc été indépendante de ses origines familiales.

Toussaint sert d'abord comme esclave sur l’habitation Bréda, située sur le Haut du Cap au nord de l'île. Il est le protégé du gérant Bayon de Libertat, qui lui aurait accordé une « liberté de savane » ; en d’autres termes, il bénéficie de la liberté de mouvements sans l'affranchissement. Selon les historiens Menier, Debine et Fouchard, son affranchissement se serait produit en 1776.  Mais cette date est ambiguë car basée sur un acte où il est question d’un autre affranchi : on ne sait donc pas si la date indiquée le concerne vraiment. De ce fait, s'il est certain qu’en 1776 Toussaint est totalement libre, il est probable que son affranchissement remonte à la fin des années 1760 ou au début des années 1770. Une fois affranchi Toussaint prend comme patronyme « Bréda », le nom de l'habitation dont il avait été l'esclave. En 1779 on retrouve Toussaint Bréda à la tête d’une habitation produisant du café au Petit-Cormier et comportant 13 esclaves parmi lesquels un certain Jean-Jacques qui n'est autre que son futur successeur et empereur Dessalines, comme l'a découvert récemment Jacques de Cauna.

Toussaint Bréda fait ainsi partie des esclaves noirs qui bénéficient, sous l'Ancien Régime d’une ascension sociale. Sa situation, à l'aube de la Révolution française, est donc plutôt confortable pour un noir des colonies. Or la Révolution française menace l'ordre socio-économique dont il est, relativement, l'un des bénéficiaires.

La question du rôle de Toussaint Breda dans la révolte des esclaves du Nord en 1791

Il existe deux courants historiographiques au sujet du rôle joué par Toussaint Louverture dans la révolte des esclaves du Nord en 1791.

Le plus important courant, représenté par Jacques de Cauna, le présente comme l’un des instigateurs importants de l’insurrection, dont il fut l'organisateur auprès des ateliers du Nord. L’historien haïtien du XIXe siècle Céligny Ardouin rapporte à partir de témoignages d’anciens vétérans que Toussaint Bréda aurait été contacté par les royalistes pour fomenter l’insurrection. Les royalistes cherchaient par ce biais à porter atteinte au mouvement des patriotes autonomistes, c’est-à-dire aux petits Blancs. L’insurrection lancée, la première réaction de Toussaint Bréda a été de mettre à l’abri son ancien maître Bayon de Libertat. Deux hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ce fait. La première hypothèse est qu’il n’aurait pas envisagé que le mouvement puisse se retourner contre les grands blancs. La seconde est qu’il ne serait tout simplement pas l’un des fomenteurs de l’insurrection.


Le deuxième courant historiographique est animé par l'auteur Pierre Pluchon. Pour lui, Toussaint Bréda n’était pas forcément en phase avec ce mouvement insurrectionnel qui le menaçait d’une double manière : en tant que maître d’esclaves et de biens, il pouvait être la proie des insurgés ; dans la confusion des représailles quasi-imminentes des Blancs, il pouvait facilement être une victime de la répression. Par conséquent, avec une certaine habileté, Toussaint Bréda aurait adopté un double jeu. D’une part en mettant à l’abri son ancien maître Bayon de Libertat, Toussaint se serait assuré d’avoir un protecteur influent auprès des autorités coloniales. D’autre part en approchant les insurgés en tant que médecin grâce à sa connaissance des plantes, il se serait assuré la protection de ses biens. Ce n’est peut-être qu’a posteriori, que ce double jeu lui aurait permis de s’ériger en intermédiaire entre les royalistes et les insurgés, puisque sa personne, connue des autorités à travers Bayon de Libertat, aurait été en mesure d’apporter une certaine honorabilité au mouvement. Ainsi, on note qu’il est l'un des signataires de l’adresse à l’Assemblée coloniale du 4 décembre 1791 proposant en vain une amnistie générale, avec les deux meneurs de l’insurrection Jean-François et Biassou. L’enlisement marqué par l’extension du mouvement et la relative paralysie des propriétaires européens et mulâtres l’aurait poussé à s’impliquer davantage dans l’insurrection, dans le but de canaliser les insurgés, se transformant ainsi en meneur d’hommes. Cette vision critique émanant d'un auteur iconoclaste est toutefois loin de faire consensus auprès des historiens universitaires qui en critiquent le biais idéologique et l'absence d'un certain nombre de sources.


Un brillant organisateur militaire : l’avènement de Toussaint Louverture

Toussaint Bréda, en plus d’occuper des fonctions de médecin chez les insurgés, offre ses services de conseiller à Biassou qu’il juge plus malléable que Jean-François, le chef suprême. D’après l’historien M. Bernard Gainot, il lui organise une garde disciplinée à l’européenne qui tranche avec la totale désorganisation des insurgés. Pour Toussaint, cela est peut-être une question de survie : être à la tête d’un mouvement discipliné lui est sans doute plus efficace pour protéger sa personne et ses biens qu’être seul face à une horde d’insurgés laissés à eux-mêmes.

Au printemps 1793 les Espagnols offrent aux révoltés un sanctuaire, en même temps que la liberté à ceux qui combattraient pour eux. Toussaint Bréda, à la tête de son armée de 3 à 4 000 Noirs, est vite remarqué pour ses talents militaires et sa discipline. Ainsi est-il promu lieutenant-général. Toussaint troque alors son nom Bréda pour Louverture, surnom qui, bien que faisant l’objet de spéculations diverses, devait suggérer son habileté à ouvrir une brèche dans les rangs de l’adversaire. Ses qualités militaires le mènent à développer des ambitions politiques.

Un éminent politique : de l’opportunisme à la conduite de la Révolution dominguoise

1793-94 : Une conduite pragmatique et séditieuse vis-à-vis des Espagnols, Jean-François et Biassou

Toussaint s’émancipe rapidement de la tutelle des deux chefs historiques du mouvement ainsi que de celle des Espagnols, en entretenant des relations avec le camp français. Le 18 mai 1794 il rallie ainsi le camp républicain sur l’offre du 5 mai 1794 du gouverneur général Lavaux. Longtemps, les historiens ont cru que cette décision avait été motivée par l’officialisation de l’abolition de l’esclavage par la Convention le 4 février 1794. L’historien américain M. John Garrigus a démontré le contraire : la mesure de la Convention n’avait pas encore été portée à l’île.

Toutefois, il est vrai, la proclamation par Sonthonax, commissaire de la République pour Saint-Domingue, de la liberté générale sur l’île en août 1793 rend le camp français plus attractif pour les anciens cultivateurs esclaves, que le camp espagnol. En mai 1794 Lavaux peut ainsi armer de nombreux cultivateurs avec les 30 000 fusils qu’il avait reçus de la deuxième commission civile. Ce n’est donc qu’une fois l’armée française passée à l’offensive, que Toussaint Louverture rallie les abolitionnistes. Pour autant, il n’est pas impossible que Toussaint ait vu dans la cause abolitionniste l’idéologie qui pourrait lui permettre de survivre politiquement. Une autre raison l’ayant poussé dans le camp français est que Toussaint Louverture était en conflit ouvert avec ses supérieurs. Il venait d’échapper à un attentat dont la responsabilité a été attribuée à Jean-François. Avec Biassou, ses relations n’étaient pas meilleures.

Sa défection du camp espagnol marque ainsi son engagement en faveur de l’abolition de l’esclavage. L’année suivante, l’Espagne capitule.

1794-1797 : Au service de la République française

Le ralliement de Toussaint Louverture apporte à Lavaux 4 000 hommes entraînés à l’européenne, disciplinés. Cet apport est décisif dans la reprise en main du Nord de Saint-Domingue par les républicains. En 1795 les Espagnols vaincus signent la paix avec la France et lui cèdent Santo Domingo. Toussaint Louverture domine alors la province du Nord, à l'exception du Cap-Français contrôlé par le général Villatte. En récompense de ses services, Toussaint fait partie de la promotion du 23juillet 1795 permettant l’accès à de nombreux officiers de couleur au grade de général de brigade.

La figure de Toussaint Louverture, particulièrement appréciée par le gouverneur Lavaux, finit par entraver l’ascension du général Villatte. En mars 1796, las de cette situation, Villatte se fourvoie dans un coup d'État en arrêtant le gouverneur Lavaux. Immédiatement, Toussaint intervient et le met en déroute. En récompense de sa loyauté, en plus d’être promu général de division, Toussaint est nommé le 31 mars 1796 lieutenant gouverneur de Saint-Domingue, occupant de fait le second rang derrière Lavaux.

Le 11 septembre 1796 Toussaint Louverture profite que le corps électoral soit majoritairement formé de soldats, pour donner des consignes afin d’élire le gouverneur Lavaux et le commissaire civil Sonthonax comme députés. Toussaint n’est pas immédiatement nommé commandant en chef de l’armée de Saint-Domingue en remplacement de Lavaux. Il doit attendre le 3 mai 1797 pour obtenir ce poste par Sonthonax. Une fois la promotion obtenue, Toussaint expédie manu militari, en août 1797, Sonthonax siéger en métropole, ce dernier lui portant ombrage notamment auprès des Noirs dont il était très apprécié. Toussaint, jaloux de son autorité, glisse vers un pouvoir très personnel.

1798-1802 : Le « primat » et la cristallisation d’un Nord noir face à un Sud mulâtre

En août 1798 Toussaint Louverture obtient la reddition des Britanniques occupant encore l’Ouest de l’île. L’accord signé entre les deux parties prévoit notamment l’ouverture des ports de Saint-Domingue aux navires de commerce britanniques, alors même que la France est encore en guerre avec la Grande-Bretagne. Le général Hédouville, supérieur hiérarchique de Toussaint en poste depuis mars 1798, furieux d’une telle insubordination, s’émeut plus encore par le contenu de l’accord. La dégradation de leur relation est telle que Toussaint organise en octobre 1798 une révolte populaire forçant Hédouville à quitter l’île. La veille de son départ forcé, Hédouville décharge le général André Rigaud contrôlant le Sud de l’île, de toute sujétion à l’égard de Toussaint Louverture.

En juin 1799 Toussaint entre en guerre contre Rigaud. C'est la « guerre du Sud », vue comme un conflit entre la "caste" des Noirs (représentés par Toussaint) et la "caste" des Mulâtres (représentés par Rigaud). Le conflit entre les deux hommes n’est pourtant pas une question de couleur, mais une véritable lutte pour le pouvoir et le contrôle du territoire. Il n’empêche qu'une véritable guerre d’extermination[non neutre] est menée contre les mulâtres du Sud ; près de 10 000 d’entre eux périssent[réf. nécessaire]. En juillet 1800 Toussaint sort vainqueur. Six mois après, la partie espagnole, officiellement française depuis 1795, est envahie par Toussaint. Mais la consécration vient en février 1801, lorsque Bonaparte nomme Toussaint capitaine-général de Saint-Domingue. Le général noir devient ainsi le dépositaire officiel du pouvoir exécutif.

En moins d’une décennie, Toussaint Louverture, chef militaire autodidacte, célébré à la fois par les Noirs et les Blancs, est parvenu à se hisser politiquement à la plus haute fonction de Saint-Domingue. Sous son impulsion, la révolution dominguoise permet l’instauration d’un nouvel ordre, inspiré du modèle colonial de l’Ancien régime, mais profitant aux militaires de couleur, surtout aux Noirs.

La Révolution dominguoise, l’œuvre inachevée de Toussaint Louverture

Le projet : une restauration de l’ordre ancien au profit des Noirs créoles ?

On observe, sous le primat de Toussaint Louverture, la restauration de nombreux « symboles » de l’Ancien régime. Toussaint Louverture s’était entouré, d’après l’historien M. Gainot, d’une cour où l’étiquette était de rigueur. Les Blancs étaient nombreux à y participer. Certaines mesures prises par Toussaint marquent également une restauration des « valeurs morales ». Ainsi est rétablie la pompe de l’Église catholique lors de victoires : cette cérémonie d’Ancien régime glorifiant la lutte contre le protestantisme, a été célébrée lors des succès de Toussaint contre les Anglais. Le divorce légalisé sous la Révolution, est supprimé avec Toussaint. Les émigrés, ces planteurs blancs ayant fui la Révolution, sont rappelés afin, assurait Toussaint, de bénéficier de leurs compétences techniques.

Dès 1795 Toussaint Louverture se montre très actif pour obliger les anciens esclaves non engagés dans l’armée à reprendre le travail. Ce qui provoque des soulèvements, les cultivateurs y voyant une forme de rétablissement de l’esclavage. Toussaint utilise alors ses troupes disciplinées d’anciens esclaves pour mater ces révoltes. Les habitations sont placées sous administration militaire : les officiers de Toussaint, comme Jean-Jacques Dessalines ou Henri Christophe appliquent de manière militaire les « règlements de culture ». Désormais à Saint-Domingue deux entités existent : celle des militaires et celle des cultivateurs assignés sur leurs anciennes habitations. Cette forme de servage a été qualifiée par les historiens de « caporalisme agraire ».

Enfin, sous son autorité, est réalisée une vieille revendication coloniale : l’accession à l’autonomie de la colonie. À la suite du coup d’État de Bonaparte, le régime d’isonomie républicaine des colonies a été supprimé. Les colonies ont été placées sous un régime d’exception. Toussaint, informé de cette mesure, s’attelle de son propre chef à l’élaboration d’une constitution, celle du 8 juillet 1801, autonomiste et autocratique. Elle est inspirée de la constitution de l’an VIII, notamment pour la prééminence de l’exécutif et du militaire. Cette constitution le nomme gouverneur à vie, et consacre le catholicisme comme religion d’État ; et si, en théorie, elle reconnaît la liberté générale, elle envisage à terme la possibilité de recourir de nouveau à une main-d’œuvre africaine. Enfin, cette constitution institutionnalise les « règlements de culture ».

C’est compter sans Bonaparte qui, apprenant en mars 1801 la prise de possession de la partie espagnole — lui qui œuvrait pour une réconciliation franco-espagnole —, entre dans une grande colère : à ses yeux, cette constitution est un affront de trop et Toussaint Louverture devient dangereux. La réaction du Premier consul de France Napoléon Bonaparte est l’envoi d’un corps expéditionnaire qui doit mettre un terme à l'émancipation dominguoise.

Une chute provoquée par la métropole

Acte écrit de Toussaint Louverture contre l'insurrection de 1801.

La France, en octobre 1801, entre enfin en paix avec la Grande-Bretagne : une expédition à Saint-Domingue est ainsi rendue possible. Un corps expéditionnaire est donc formé et placé sous le commandement du général Leclerc. Il comporte des officiers issus des colonies comme Rochambeau, ou encore des officiers de couleur défaits par Toussaint Louverture (Rigaud, Pétion, Villatte). L’expédition Leclerc quitte la France en décembre 1801 avec 17 000 hommes, renforcée entre mars et mai 1802 par 6 000 hommes. Toussaint dispose d’une armée de 20 000 hommes, répartie entre l'infanterie, la cavalerie et le génie. Par ailleurs, sa garde nationale, véritable troupe aguerrie, compte près de 10 000 hommes.

Le général Leclerc débute par un débarquement simultané dans tous les grands ports en février 1802, suivi d’une offensive pour refouler les rebelles. Malgré une supériorité numérique, Toussaint Louverture est rapidement défait militairement et adopte alors une tactique défensive, pratiquant la stratégie de la terre brûlée. Celle-ci n’arrête pas l’offensive menée par le corps expéditionnaire. Malgré des pertes importantes, les troupes françaises sont victorieuses, si bien que les officiers de Toussaint, à l’exemple de Maurepas ou Henri Christophe, font tour à tour défection. Le 6 mai 1802, Toussaint Louverture est contraint de capituler, puis est assigné à résidence dans sa propriété dans l’île.

Avec la chute de Toussaint Louverture, la Révolution dominguoise connaît un coup d’arrêt. Trop progressiste pour Bonaparte, trop réactionnaire aux yeux des cultivateurs, le régime de Toussaint Louverture ne semble satisfaire personne, à l’exception de la nouvelle élite de militaires de couleur, grande bénéficiaire du nouvel ordre. C’est finalement dans une certaine indifférence que le 7 juin 1802, en dépit des promesses faites en échange de sa reddition, Toussaint Louverture — ainsi qu'une centaine de ses proches — est déporté en France : il est embarqué avec sa famille sur la frégate la Créole et transbordé au large du Cap-Haïtien sur le Héros qui le transporte à Brest. Enfermé au fort de Brest le 14 juillet 1802, il est transféré huit jours plus tard avec son fidèle serviteur Mars Plaisir au fort de Joux où il meurt le 7 avril 1803, après un hiver toujours rude dans le Doubs.

Il faut attendre la fin de la Révolution haïtienne pour que l’œuvre amorcée par Toussaint Louverture trouve son aboutissement, et qu'il soit érigé pour la postérité en héros national haïtien. En effet, c'est son ancien lieutenant Jean-Jacques Dessalines qui proclame l'indépendance de la République le 1er janvier 1804

vendredi 23 novembre 2018

HISTORIQUE DU DROIT DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE

L'évolution a suivi 5 étapes.

1°) LES SOCIETES PRIMITIVES _ Il s’agit des premiers âges de l’humanité.
La Responsabilité Civile n’existait pas de manière distincte. Il y avait une responsabilité unique, « responsabilité mixte » (mi- pénale/mi- civile). A l’époque, tout ça n’a pas de sens. Le mot « responsabilité » ne date que du XIXème siècle La sanction ne s’exprimait que par la vengeance privée. On punissait et on réparait en même temps.
La responsabilité était très objective . On ne recherchait pas qui était coupable, qui était fautif: la vengeance était aveugle . Celui qui était puni n’était pas forcément le coupable. C’était par ex un membre de la tribu adverse. Elle était aussi généralement collective . On cherchait à sanctionner une collectivité adverse, le clan, celle censée être à l’origine du mal.

2°) Evolution très lente. Etape de l’APPARITION D’UNE AUTORITE au sein de la société. Peu à peu, des règles ont élaboré des sanctions précises. Avec ce progrès du droit, on va petit à petit distinguer 2 types de dommage: les délits publics et les délits privés.
Les délits publics correspondent grosso modo à nos délits pénaux.
Les délits privés sont les dommages causés par une personne à une autre. C’est l’origine de la distinction entre la Responsabilité Pénale et la RESPONSABILITÉ CIVILE.
Au XVIIème siècle : Le 1 er auteur qui affirme en termes clairs et nets le concept de la Responsabilité Civile (sans en utiliser le nom) est JEAN DOMAT . Toute personne qui cause un dommage à autrui à cause d’une faute oblige son auteur à réparer.
La responsabilité est subjective car on exige qu’une faute soit à l’origine d’un dommage. Elle devient individuelle .

3°) LE CODE CIVIL . Enonce parfaitement le principe énoncé au plus grand article du code, reprenant le travail de DOMAT.
Tout fait quelconque de l’Homme qui par sa faute cause à autrui un dommage s’oblige à le réparer.

4°) PERIODE XIXème siècle jusqu’à la première moitié du XXème siècle :
. Evolution qui va dans le sens d’une plus grande objectivité , plus de socialisation .
2 causes à l’objectivation de la responsabilité civile :
- le développement de la société industrielle. Le progrès a entrainé le développement du machinisme => ce qui a pour conséquence la multiplication des dommages engendrés par des machines; dommages qui n’existaient pas avant. Des dommages corporels plus graves, des dommages parfois mortels. Le besoin de réparation provoque un développement exponentiel de la RESPONSABILITÉ CIVILE.
- le développement des assurances (cause proprement juridique) et en particulier des assurances de responsabilité. Elles permettent au responsable de ne pas payer personnellement d’indemnités à la victime. Or, à partir du moment où ce n’est plus le responsable qui indemnise la victime, la responsabilité peut s’étendre davantage et par conséquent s’objectiver. A partir de la fin XIXème siècle jusque. La fin du XXème, on assiste à ce phénomène de développement objectif de la RESPONSABILITÉ CIVILE.

5°) développement DE LA LOI . Cas de responsabilités sans faute. La Jurisprudence suit exactement le même mouvement avec parfois des interprétations très audacieuses. Tribunaux créent de toute pièce des cas de Responsabilité sans faute.

ʰⁱˢᵗᵒⁱʳᵉ ᵈᵉ ˡᵃ ʳᵒᵇᵉ ᵈᵉˢ ᵃᵛᵒᶜᵃᵗˢ


L'origine de la robe d'avocat se confond avec celle de l'apparition de la soutane. Au Moyen-Age, les avocats étaient en général des religieux. C'étaient des hommes lettrés, connaissant la loi et la morale et ils avaient l'éloquence pour l'exprimer. Lorsque la fonction d'avocat s'est laicisée, le port de la robe est restée de coutume car la symbolique première de la différenciation par rapport au reste de la population continuait d'exister. Cependant, le chaperon qui était une capuche ornée de fourrure notamment pour les grandes occasions fut transformé et intégré à l'habit de l'avocat.
Le chaperon comportait 2 extrémités : l'une assez large enveloppant le visage et l'autre plus fine et plus longue permettant la fixation de l'ensemble. Cet ensemble a évolué dans le temps et il ne reste plus qu'un accessoire symbolique appelé désormais épitoge qui se fixe sur l'épaule gauche de la robe. La capuche a été supprimée et remplacée par un cercle; ne sont restées que 2 extrémités : l'une large portée dans le dos l'autre plus étroite, les deux étant ornées d'une fourrure.
Dans un 1er temps, la capuche a été remplacée par la toque : chapeau similaire à celui que porte encore les cardinaux (en rouge) mais qui comportait 4 barrettes alors que celui des cardinaux en comporte 3. Il convient de noter que seuls les avocats parisiens ne portent pas de fourrure sur leur épitoge. Ils sont cependant tenus lorsqu'ils plaident en province de porter une épitoge avec fourrure.
Quant à la longueur de la robe, alors qu'au XIV siècle la mode était de raccourcir les vêtements, une partie notable de la nation, le roi en tête, magistrats hommes de loi et administrateurs résistèrent à cette tendance. Il convient de noter que depuis le Moyen Age, les robes des gens de justice sont avec une traîne. C'était un signe de dignité qui symbolisait la puissance, elle se déployait lors des cérémonies de façon à ce que ceux qui suivaient dans le cortège gardent leurs distances (celui qui se rapprochait trop risquait de marcher sur la traîne et de trébucher). Les avocats ont replié la traîne vers l'intérieur pour montrer que malgré leur dignité ils n'ont pas de juridiction propre et sont des auxiliaires de justice dévoués à celle-ci.
De nos jours, la traîne est toujours présente dans les robes. Bien que cet usage soit tombé en désuétude, la coutume est de la déployer lors de cérémonie d'enterrement de confrère.
De nos jours, pour des questions de praticité, la longueur de la robe s'arrête à mi-mollet.